Philippe Charb, briseur de tabous

Sébastien Fontenelle  • 10 novembre 2011 abonné·es

Après qu’un incendie criminel a détruit les locaux de Charlie Hebdo , le directeur de cette si digne publication, Philippe Charb [^2], déclare, sur BFM-TV : « Je pensais pas en tout cas que l’islam soit  ^3 un sujet tabou – ou l’islamisme soit [^4] un sujet tabou » , dans ce pays, mâme Dupont.
D’après Charb, l’islam serait donc, en France, un sujet interdit, et il a bien sûr tout à fait le droit de le dire – tout comme il aurait d’ailleurs le droit de soutenir que la Terre est plate, ou que l’eau ne mouille pas.
Mais en vrai ? Non. En vrai ? L’islam n’est pas (du tout), chez nous, un «  tabou  ».

Dans la vraie vie, ça fait dix ans que l’islam fait au contraire l’objet (par le biais, notamment, de constants procès d’intentions où les musulman(e)s sont obsessionnellement amalgamé(e) s avec « les islamistes » ) d’une stigmatisation maladive.

Dans la vraie vie, ça fait dix ans que l’éditocratie françousque, galvanisée par les attentats du 11 septembre 2001, expectore quotidiennement, ou presque, des crachats islamophobes, histoire de bien marquer son attachement à la liberté d’expression.

Dans la vraie vie, ça fait dix ans que nous entendons ou lisons, quotidiennement ou presque, des trucs comme : « Je suis un peu islamophobe, ça ne me gêne pas de le dire. J’ai le droit de penser que l’islam – je dis bien l’islam, je ne parle même pas des islamistes – apporte une certaine débilité qui, en effet, me rend islamophobe. » (Claude Imbert, éditorialiste à le Point, octobre 2003.)

Ou comme : « Si les communautés musulmanes […] se sont retenues […] de désavouer les pilotes des avions suicides » après les attentats du 11 septembre 2001, « c’est parce que, dans leur for intérieur, parfois sans se l’avouer, elles se sentaient admirativement complices d’un exploit dont l’audace spectaculaire pouvait compenser, à leurs yeux, la cruauté. » (Jean Daniel, éditorialiste à le Nouvel Observateur, septembre 2011.)

Dans la vraie vie, en résumé, ça fait dix ans qu’une islamophobie maladive ronge la presse française – Charlie Hebdo compris – et la quasi-totalité de la classe politique.

Lorsqu’il prétend que l’islam – je dis bien l’islam, je ne parle même pas des islamistes – serait en France un « sujet tabou » , Charb ment donc, effrontément, et je ne vois guère que deux explications à sa divagation : soit il pense vraiment ce qu’il dit, et il est d’ores et déjà tellement loin de la réalité que son cas est désespéré. Soit il sait fort bien que la stigmatisation des muslims est, dans la vraie vie, l’un des plus rentables fonds de commerce des médias hexagonaux, et il fait semblant de ne pas s’en être aperçu, pour mieux continuer de flatter, en cadence, l’une des plus dégueulasses phobies de l’époque – sous les applaudissements de la droite, au sens large : le gars nous prendrait en somme (et comme qui dirait) pour des con(ne)s, que ça ne m’étonnerait guère.

[^2]: En vrai, il s’appelle Stéphane Charbonnier, mais, je sais pas pourquoi, j’ai envie de l’appeler Philippe.

[^3]: Sic… 

[^4]: …Et resic.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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