Taxe sur la copie privée : une technologie de retard

L’assemblée nationale examinait le 23 novembre le texte réformant la redevance sur la copie privée. Cette taxe décriée, appliquée à l’ensemble de les produits électroniques grand public, a généré 189 millions d’euros en 2010 au bénéfice des sociétés d’auteurs. Explications.

Matthieu Balu  • 24 novembre 2011
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Taxe sur la copie privée : une technologie de retard
© Photo : JOEL SAGET / AFP

1985, c’est la date de la première loi instituant la taxe sur la copie privée. Voté à l’époque pour lutter contre le manque à gagner entraîné par l’arrivée des formats cassettes audio et video, le texte instaurait une taxe sur les matériels pouvant servir à copier une oeuvre, pour l’écouter ou la regarder dans le cercle privée. 26 ans plus tard, si quelques ajustements ont eu lieu pour s’adapter à l’irruption du numérique, son principe reste le même : faire payer aux fabricants de disques durs, lecteurs MP3 ou de téléphone, et in fine aux consommateurs, le manque à gagner qu’induit la copie privée pour les artistes, pour le reverser aux associations d’ayants droit comme la SACEM.

Deux principes majeurs de la loi seront modifiés pour faire face aux décisions combinées du Conseil d’Etat et de la Cour de  justice européenne. La Commission copie privée, chargée de fixer l’assiette de la taxe, n’aura dorénavant plus le droit d’inclure dans son mode de calcul le manque à gagner théorique induit par le piratage et les copies illicites. Quant aux professionnels, ils devront être exonérés de cette redevance s’ils garantissent de ne pas utiliser leur matériel pour copier des oeuvres. Mais ce vote organisé dans l’urgence ne résout en rien les incohérences de la taxe sur la copie privée.

Besoin d’une réforme de fond

« Cette réforme ne pose pas le débat de fond : qu’est-ce qui doit être compensé ? Il faudrait qu’on ait une méthodologie transparente, avec un organisme indépendant, affirme Edouard Barreiro, de l’UFC-Que choisir. Notre taxe est quatre fois plus élevée que la moyenne des pays européens. Résultat, de plus en plus de consommateurs piratent ou se tournent vers le “marché gris” : ils importent l’électronique de Belgique ou d’Allemagne » . Accusée de mettre à mal les entreprises françaises, la loi plomberait aussi les comptes des administrations, comme les centres sociaux ou les hôpitaux : « Pour être remboursés de la taxe, les professionnels doivent prouver qu’ils n’utilisent pas leur matériel pour faire de la copie privée ! » , s’insurge Edouard Barreiro.

Le principe d’adapter la taxe sur la copie privée à la taille et au prix d’un contenant « physique » serait de toute façon rendu obsolète par les évolutions technologiques, d’après l’UFC-Que choisir : «  A l’âge du flux dématérialisé, c’est un peu ridicule de pénaliser consommateurs et industriels. On pousse les gens vers le téléchargement illégal avec un système opaque » . Se diriger vers la licence globale, proposer un abonnement donnant accès à tous les types de contenus pourrait être une solution à creuser. Dans la Commission copie privée, qui réunit représentants des consommateurs, des industriels et des ayants droit, seuls ces derniers se satisfont de la situation. Et pour les utilisateurs, cette taxe méconnue malgré son quart de siècle rappelle de plus en plus l’image de la loi Hadopi : une rustine sur une jambe de bois.

Société
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