Tu Le Connais, Toi, Philippe Poutou?

Sébastien Fontenelle  • 26 novembre 2011
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Illustration - Tu Le Connais, Toi, Philippe Poutou?

Depuis quelques temps, je sais pas si t’as noté: la presse dominante publie, tous les quinze jours, des papiers narrant que personne connaît Philippe Poutou, candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pour l’élection présidentielle qu’on a dans quelques mois.

La presse dominante voit deux explications à ce «déficit de notoriété» de celui qu’elle n’appelle plus que l’ «inconnu du grand public» .

Première explication (point complètement illogique, force est d’en convenir): personne connaît Philippe Poutou parce que personne connaît Philippe Poutou.

Seconde explication: personne connaît Philippe Poutou parce que personne veut connaître Philippe Poutou – car en effet, Philippe Poutou est d’ «extrême gauche» , et ça, franchement, c’est pas bien du tout; c’est pas moderne.

Puis, la presse dominante cesse complètement de parler de Philippe Poutou, pour mieux se concentrer sur sa principale mission d’information pré-présidentielle, qui est par exemple de nous restituer, heure par heure, et en même temps qu’on continue de broder sur sa «dédiabolisation» , l’emploi du temps de la Pen – et ça dure comme ça treize jours, et au matin du quatorzième jour t’as un petit génie du «service politique» qui lève le doigt pendant la conférence de rédaction, et qui signale que ça va très bientôt faire quinze jours que personne, dans la presse dominante, n’a rappelé que personne, dans les Françai(se)s, connaissait Philippe Poutou, et t’as Nicolas Demorand qui lui répond qu’en effet, tiens, tu fais bien de le rappeler, on a failli oublier de redire qu’un grave «déficit de notoriété» plombe Philippe Poutou, l’ «inconnu du grand public» .

Résultat: hier matin, le quotidien Libération , connu pour avoir été tôt l’un des plus performants instruments de «la victoire du capitalisme dans la gauche» (après qu’icelui avait sans difficulté triomphé déjà dans la droite) et que patronne dorénavant Nicolas Demorand (comme fait l’âne de son enclos), a consacré sa une, puis quatre pleines pages au constat que personne connaît Philippe Poutou, et que d’ailleurs personne connaît non plus (nonobstant qu’elle «multiplie les déplacements» ) Nathalie Arthaud, candidate de Lutte ouvrière à l’élection présidentielle qu’on a dans quelques mois, et que ces deux-là sont par conséquent totalement «inconnus du grand public» – mais que ça n’a au fond rien d’étonnant, explique Libération , puisque d’une part ces deux-là souffrent d’un spectaculaire «déficit de notoriété» , et puisque, d’autre part, les Françai(se)s n’ont que foutre des «appareils et idéologies de l’extrême gauche française figés au siècle dernier sinon au XIXème» .

En vrai, bien sûr: si Nathalie Arthaud et Philippe Poutou restent «inconnus du grand public» , c’est parce que les maîtres de la presse dominante font très, très, très attention à ne jamais parler d’eux, sauf pour rappeler, tous les quinze jours (et en coucoulant au passage qu’ils nous viennent d’un temps que les moins de 150 ans ne peuvent pas connaître), que personne ne sait qui sont ces gens – et à ne surtout jamais leur donner la parole, quand il est tellement plus important de sucer la roue de la Pen.

(Il est ainsi particulièrement édifiant de constater qu’au lieu de rendre compte de l’argumentation qu’elle développe dans ses meetings, Libération ne mentionne que Nathalie Arthaud «multiplie les déplacements» que pour mieux souligner que cela n’améliore en rien sa «notoriété» .)

Ce sont les mêmes, tu relèveras, qui se mobilisent régulièrement pour «la liberté d’expression» (lorsqu’elle consiste à braire que ça serait tout de même dommage qu’on puisse plus conchier jour après jour les musulman(e)s) – mais qui se refusent à l’élargir à «l’extrême gauche» : j’ouvre ce matin Le Monde du jour, qui est paraît-il ce qui se fait de plus référentiel sous nos latitudes, et devine sur quoi je tombe, juste en face d’un grand papier racontant comment «M. Sarkozy fait du nucléaire un axe de campagne» ?

Je tombe sur un petit papier racontant que «Philippe Poutou[^2] peine à se faire connaître»

[^2]: Et non M. Poutou: le «M.» est réservé à l’excellent M. Sarkozy.

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