Au check-point de Qalandiya

Ce barrage militaire isole Jérusalem du reste de la Cisjordanie.

Denis Sieffert  • 22 décembre 2011 abonné·es

Quand on veut aller de Ramallah à la vieille ville de Jérusalem, il faut passer aux abords du village de Qalandiya, surtout connu pour son barrage militaire. L’un des plus épouvantables de l’occupation israélienne. Le taxi collectif se vide de sa dizaine de voyageurs et poursuit au ralenti son chemin avant d’être ausculté et radiographié quelques mètres plus loin, et d’aller se garer en attendant de récupérer ses passagers, ou d’autres, une fois qu’ils auront passé le check-point.

Femmes, hommes et enfants palestiniens sont sommés d’attendre, parfois longtemps, dans un interminable corridor. Les premiers « piétons » se pressent contre un tourniquet dont tout le monde attend avec impatience le cliquetis libérateur, qui est rare. Dix mètres plus loin, un homme palestinien est retenu : ses bagages ont été passés au détecteur, il a franchi l’épreuve du portique, alors quoi ? On ne sait pas. En fait, il est interrogé par deux soldats israéliens, invisibles dans leur guérite d’acier. Dix minutes, vingt minutes… Pourquoi si longtemps? On ne sait pas.

Pendant ce temps, les taxis collectifs se vident, le corridor se remplit de nouveaux arrivants. Par réflexe psychologique, la file trouve le moyen d’avancer alors que le tourniquet est impassible. Si bien que les premiers sont de plus en plus pressés contre la barrière. De très jeunes femmes voilées bercent dans leurs bras des nouveau-nés qui pleurent. Une vieille dame demande à s’appuyer sur son voisin. Le corridor est délimité par des herses et des grillages. Un mirador domine la ­situation. De la ­guérite s’échappe de temps en temps une voix robotisée qui hurle des consignes. On ne comprend pas mais on imagine :  « Avancez ! reculez ! Repassez le portique ! » La vielle dame peut bien défaillir et les jeunes femmes s’épuiser à bercer leurs enfants dans la foule, il n’y a personne pour proposer un ordre de passage qui tienne compte des âges et des faiblesses des uns et des autres.

C’est le tour d’une jeune femme de franchir le tourniquet avec son enfant qui marche à peine tout seul. Le portique sonne. La voix hurle un ordre. La jeune femme retire sa ceinture, puis ses bottes. Elle reprend son enfant. Nouvelle sonnerie. Qui donc de la mère ou de l’enfant éveille un tel soupçon ? La voix métallique en provenance de la guérite donne encore un ordre. La jeune femme se met à quatre pattes et pousse son enfant sous le portique. Les deux parviennent enfin à franchir l’obstacle séparément… Le tourniquet fait entendre son cliquetis. Les enfants pleurent. Un homme essaye de se libérer de la pression pour céder sa place à une gamine qui berce son bébé. Impossible, il est projeté contre le tourniquet. De ce côté-ci aussi de la barrière, on perd son humanité. Mais sans doute pas plus que des Parisiens un soir de grève du métro…

Un mirador, des herses, une foule malmenée comme du bétail. Des ordres aboyés. Comment ne pas y penser ? Certes, ces gens ne font que se rendre dans leur famille ou à leur travail. Ils reviendront. Ils ne vont pas à la mort. C’est leur ordinaire. Mais comment ne pas voir des images se superposer ? La comparaison est indécente ? Oui, elle l’est ! Mais comment ne pas y penser ? On songe à Yehuda Shaul et à l’association Breaking the silence, et aux mécanismes de la prise de conscience des soldats rebelles…
Une infime minorité, hélas.

Monde
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