Députés pro-intégristes

Marginaux, les catholiques ultras, criant à la christianophobie, ont pourtant décroché le soutien de 57 parlementaires.

Michel Soudais  • 15 décembre 2011 abonné·es

Juché sur la benne d’un camion sono, en avant de la manifestation prête à marcher en direction du théâtre du Rond-Point, le secrétaire général de Civitas, Alain Escada, s’enflamme : « Les catholiques sont de retour. »

Ce 11 décembre, derrière une banderole qui proclame que « la France est chrétienne et doit le rester   », ils ne sont pourtant pas plus de 2 500 à agiter des drapeaux d’Ancien Régime, cœur vendéen sur la poitrine pour certains, crucifix et chapelet en main pour d’autres. Pour une « manifestation nationale » , c’est maigre. Surtout présentée comme l’aboutissement d’une campagne nationale contre la « christianophobie » marquée depuis le printemps par des manifestations bruyantes, avec prières, chants, chemins de croix et défilés, contre une photographie (le Piss Christ d’Andres Serrano) et des pièces de théâtre à Avignon, Paris, Rennes et Toulouse.

Mais ce dimanche, à l’heure où se joue au Rond-Point la pièce Golgota Picnic de Rodrigo Garcia (voir page 28), Civitas, le bras armé de la très intégriste Fraternité Saint-Pie X, a de quoi se réjouir. Ses actions viennent de recevoir le soutien public de 57 députés. Un dixième de la représentation nationale !
Dans un texte amalgamant des persécutions bien réelles de chrétiens « en Orient » – « assassinats et emprisonnements abusifs au Vietnam » , meurtre d’une religieuse en Inde ou d’un jeune Somali au Kenya, massacre de 130 chrétiens au Nigeria, « persécutions subies par les Coptes en Égypte »  – avec des profanations d’un crucifix et trois statues dans les Landes, et surtout les expositions et « les deux pièces de théâtre qui font malheureusement trop parler d’elles » , ces élus appuient ceux qui « clament leur très légitime indignation en manifestant publiquement devant théâtres ou salles d’exposition » . Mieux, ils excusent les exactions contre les théâtres et les spectateurs, et leur trouvent du « mérite » : « Certains sont excessifs car excédés par ce déferlement christianophobe, écrivent ces élus. Mais ils ont le mérite de réveiller une certaine apathie chez nos concitoyens. »

Initié par Jacques Remiller, député maire de Vienne (Isère) et président du groupe d’études à vocation internationale sur les relations avec le Saint-Siège, ce texte signé par des députés membres de la Droite populaire (Lionnel Luca, Jean-Paul Garraud, Bernard Carayon…), du MPF de Philippe de Villiers ou du courant « humaniste » de l’UMP, comme Étienne Pinte, député des Yvelines, conclut au refus de subventionner « des œuvres si contestables » alors que nous n’acceptons pas que « l’impôt finance des scènes non respectueuses de l’islam ou du judaïsme » .

Cette prise de position, et celle d’un secrétaire d’État, Pierre Lellouche, qui a jugé « choquant » que la Mairie de Paris finance, de tels spectacles, résulte du lobbying de Civitas. À l’issue d’une première « manifestation nationale » , le 30 octobre, à Paris, Alain Escada avait annoncé son intention de « solliciter les parlementaires  [afin de] faire déposer une loi visant à retirer toutes subventions publiques à une organisation culturelle qui programmerait un événement offensant une religion » . Il est inquiétant de contester à quelle vitesse autant d’élus se sont laissés convaincre.

Société
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