Les défis de Moncef Marzouki

Comme un symbole, un an tout juste après le début du soulèvement qui a chassé Ben Ali, le pays s’est donné un nouveau président.

Denis Sieffert  • 15 décembre 2011 abonné·es

Il se dit habitué aux geôles et aux bureaux des juges d’instruction, ou aux bistrots de Créteil, où il a longtemps vécu en exil, plus qu’aux ors des palais. C’est pourtant lui, Moncef Marzouki, qui a été élu dimanche président de la République tunisienne. Il est désormais le locataire du palais présidentiel de Carthage.

Le leader du Congrès de la République (gauche) doit son élection à la coalition formée avec les islamistes d’Ennahda, larges vainqueurs des législatives. Une coalition qu’il a consentie naturellement car Moncef Marzouki est convaincu de l’émergence d’un islamisme démocratique et modéré. Il réfute avec force les amalgames faits par certains intellectuels occidentaux.

M. Marzouki a été élu cinq jours avant le premier anniversaire du début du soulèvement tunisien. Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, dans le centre du pays, un incident survenu entre un jeune vendeur ambulant et une policière a provoqué le début de la révolution qui allait entraîner la chute du dictateur Ben Ali un mois plus tard.

Ce jour-là, Fayda Hamdi oblige Mohamed Bouazizi, 26 ans, à fermer son étal et lui confisque sa marchandise. Deux heures plus tard, le jeune homme s’immole par le feu. Le drame prend immédiatement une ampleur considérable dans cette ville de cent mille habitants accablée par un chômage massif et une très grande pauvreté.

Le sort du jeune homme diplômé, contraint de vendre à la sauvette, et humilié par une policière érigée en symbole d’un pouvoir capable de tous les arbitraires, a servi de détonateur au soulèvement dans tout le pays. Un an après la mort de Mohamed Bouazizi, la policière a repris son travail, dans la même ville, après avoir purgé une peine de prison.

L’avenir de la Tunisie est en partie entre les mains de Moncef Marzouki, un neurologue de 66 ans, et des dirigeants ­islamistes d’Ennahda. Leur première tâche est d’élaborer un nouveau projet de constitution avec l’Assemblée élue le 23 octobre dernier. Tout autant, et dans l’urgence, le nouveau pouvoir devra donner à la population des signes concrets de changement social et d’effacement de l’ancien personnel de l’époque Ben Ali, y compris dans les responsabilités locales et au sein du pouvoir économique. Un rude défi.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)
Analyse 6 juin 2025

Des deux côtés de l’Atlantique, la social-démocratie n’est jamais finie (mais c’est pas jojo)

Les gauches sont bien à la peine à l’échelle mondiale. Trop radicales, elles perdent. Les moins radicales sont diabolisées. Toutes sont emportées dans un même mouvement. Pourtant, dans un monde où les vents de l’extrême droite soufflent fort, la social-démocratie n’a pas encore perdu la partie.
Par Loïc Le Clerc
Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza
Récit 4 juin 2025 abonné·es

Avoir moins de 20 ans dans la bande de Gaza

Plus de 50 000 personnes au sein du territoire enclavé ont été tuées ou blessées par l’armée israélienne depuis le 7-Octobre. Mais le sort des survivants doit aussi alerter. Privée d’éducation, piégée dans un siège total au cœur d’une terre dévastée, toute la jeunesse grandit sans protection, sans espoir.
Par Céline Martelet
À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »
Entretien 4 juin 2025 abonné·es

À Gaza, « les enfants sont en train d’être exterminés »

Khaled Benboutrif est médecin, il est parti volontairement à Gaza avec l’ONG PalMed. La dernière fois qu’il a voulu s’y rendre, en avril 2025, Israël lui a interdit d’entrer.
Par Pauline Migevant
En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza
Témoignages 4 juin 2025 abonné·es

En France, la nouvelle vie des enfants de Gaza

Depuis le début de la guerre dans l’enclave palestinienne, les autorités françaises ont accueilli près de cinq cents Gazaouis. Une centaine d’autres ont réussi à obtenir des visas depuis l’Égypte. Parmi ces réfugiés, une majorité d’enfants grandit dans la région d’Angers, loin des bombardements aveugles de l’armée israélienne.
Par Céline Martelet