Bonne année, monsieur Prasquier !

Dominique Vidal  • 5 janvier 2012 abonné·es

«Annus horribilis »  : ainsi Elisabeth II avait-elle qualifié 1992, pourtant quarantième année de son règne. Elle déplorait alors trois divorces et un incendie [[Le duc d’York s’était séparé de Sarah Ferguson, la princesse Anne de Mark Philips et bien sûr le prince Charles de Lady Diana. Et le château de Windsor avait brûlé…
]]. Richard Prasquier pourrait paraphraser la reine pour définir « son » année 2011 : il a lui aussi divorcé – d’avec l’opinion française – et il y a le feu à la maison Crif, qu’il préside.

Janvier : Prasquier fait interdire une conférence de Stéphane Hessel à l’École normale supérieure et s’en vante dans un éditorial. Résultat : 1 500 personnes, au lieu des 300 attendues rue d’Ulm, se rassemblent place du Panthéon pour défendre les libertés, en premier lieu celles des militants pacifistes traînés devant les tribunaux par Michèle Alliot-Marie. Et même de fidèles amis, comme Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut et Pierre Lellouche, prennent leurs distances avec cet acte de censure…

Avril : le tribunal correctionnel de Paris condamne France-Israël et le « journaliste » Clément Weill-Raynal pour diffamation envers le père du petit Mohamed Al-Dura. C’est le dernier rebondissement en date de la campagne surréaliste menée contre Charles Enderlin, dans laquelle Richard Prasquier a imprudemment engagé le Crif.

Octobre : Prasquier s’élève, en compagnie de l’ambassadeur d’Israël, contre l’émission « Un œil sur la planète » consacrée par France 2 à l’État de Palestine. Cette nouvelle opération liberticide fait boomerang. Les deux tiers des mails reçus par le médiateur de la chaîne défendent l’émission, comme les professionnels qui signent en masse la pétition du Syndicat national des journalistes. Et le président de France Télévisions, qui reçoit les deux « plaignants », rejette leurs prétentions – comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel quelques semaines plus tard…

Décembre : Prasquier commente l’accord électoral entre le Parti socialiste et les Verts, en insistant sur la judéité des députés sortants socialistes « sacrifiés » par la rue de Solferino. Qu’aurait-il dit si tout autre avait dressé des listes d’élus juifs ! La levée de boucliers sera telle que le président du Crif devra se fendre d’une mise au point embarrassée.
Rien d’étonnant si même ses plus proches conseillers se répandent en commentaires plus que désobligeants. Mais ils ont tort : le problème tient moins à sa maladresse qu’à l’obsolescence des idées qu’il défend.

Dans sa grande majorité, l’opinion française – et avec elle nombre de Juifs – juge sévèrement la politique du gouvernement israélien et exige qu’il se conforme au droit international : les quatre cinquièmes de nos compatriotes estiment que seul l’établissement d’un État palestinien donnera enfin sa chance à la paix. Au lieu de faire écho à cet espoir, comme autrefois Théo Klein ou Henri Hajdenberg, Richard Prasquier se comporte en ambassadeur bis – non pas seulement d’Israël, mais de la droite et de l’extrême droite de ce pays. D’où son isolement croissant, auquel il réagit en s’enfermant plus encore dans une paranoïa frôlant l’autisme. Au point de se déshonorer en prêtant à Salah Hamouri, à peine libéré, des propos formellement démentis par les journalistes qui interviewaient ce dernier… [^2]

Comprendra-t-il enfin, en 2012, qu’à ce rythme il va – si l’on ose dire – dans le mur ? C’est dans cet esprit qu’on peut lui souhaiter : « Bonne année, monsieur Prasquier ! »

[^2]: Le 20 décembre, Richard Prasquier a affirmé sur le site du Crif que Salah Hamouri aurait déclaré, à peine libéré, que le rabbin Yossef Ovadia « méritait de mourir ». Ce qui est une invention pure, et désigne le jeune homme à la vindicte des extrémistes.

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