Nigéria : La religion instrumentalisée

Les heurts entre musulmans et chrétiens sont-ils provoqués en vue d’une partition ?

Claude-Marie Vadrot  • 12 janvier 2012 abonné·es

Réduire la situation dans la République fédérale du Nigeria à une simple guerre de religions ressemble à un schéma occidental convenu. Pour comprendre la situation chaotique du pays le plus peuplé d’Afrique, il faut tenir compte d’une situation sociale qui a incité les syndicats à appeler cette semaine à une grève de plusieurs jours, pour protester contre la brusque hausse des tarifs du carburant : le prix de l’essence va pratiquement doubler, dans un pays qui ne vit que du pétrole et où les transports publics sont indigents. Une partie importante de la population ne bénéficie pas de la rente pétrolière, captée par des élites corrompues et par les compagnies étrangères polluant sans vergogne les zones d’exploitation. Les affrontements entre musulmans et chrétiens interviennent donc dans un climat social troublé depuis des mois.

Dans ce pays d’environ 160 millions d’habitants, indépendant depuis 1960, les musulmans et les chrétiens sont à populations presque égales mais inégalement réparties sur le territoire : musulmans majoritaires dans le Nord et minoritaires dans le Sud et l’Est. Comme au temps de la tentative d’indépendance du Biafra qui déchira le pays entre 1967 et 1970 (un ou deux millions de morts, famine et combats). En 2011, les affrontements de tous ordres ont provoqué au moins 2000 morts.

Côté musulman, il y a les fous de la secte Boko Haram, qui s’en prennent aux chrétiens minoritaires du Nord, lesquels supportent de plus en plus mal la charia en vigueur. Côté chrétien, les catholiques, très divisés, sont environ 20 millions, et les protestants sont évalués à 60 millions. Parmi ceux-ci, des adventistes, des baptistes, des pentecôtistes, des évangélistes et de nombreuses sectes chrétiennes répandues dans toute l’Afrique subsaharienne, se livrant une concurrence féroce pour gagner les faveurs des fidèles.

Un certain nombre de ces groupes protestant se montrent aussi intolérants que les musulmans radicaux. Comme le président élu il y a moins d’un an, Goodluck Jonathan, ils sont persuadés que Bako Haram est instrumentalisé par des gouverneurs du Nord et des membres de gouvernement, pour déclencher des heurts susceptibles de provoquer, comme au Soudan, une partition du pays. Deux États, dont les capitales seraient Lagos pour les musulmans et Abuja pour les chrétiens. Tout cela avec une forte odeur de pétrole…

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Droit international : quand règne la loi du plus fort
Monde 9 juillet 2025 abonné·es

Droit international : quand règne la loi du plus fort

Les principes du droit international restent inscrits dans les traités et les discours. Mais partout dans le monde, ils s’amenuisent face aux logiques de puissance, d’occupation et d’abandon.
Par Maxime Sirvins
Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

Le droit international, outil de progrès ou de domination : des règles à double face

Depuis les traités de Westphalie, le droit international s’est construit comme un champ en apparence neutre et universel. Pourtant, son histoire est marquée par des dynamiques de pouvoir, d’exclusion et d’instrumentalisation politique. Derrière le vernis juridique, le droit international a trop souvent servi les intérêts des puissants.
Par Pierre Jacquemain
La déroute du droit international
Histoire 9 juillet 2025 abonné·es

La déroute du droit international

L’ensemble des normes et des règles qui régissent les relations entre les pays constitue un important référent pour les peuples. Mais cela n’a jamais été la garantie d’une justice irréprochable, ni autre chose qu’un rapport de force, à l’image du virage tyrannique des États-Unis.
Par Denis Sieffert
Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »
Entretien 2 juillet 2025 abonné·es

Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »

L’intellectuel syrien est une figure de l’opposition au régime des Assad. Il a passé seize ans en prison sous Hafez Al-Assad et a pris part à la révolution en 2011. Il dresse un portrait sans concession des nouveaux hommes forts du gouvernement syrien et esquisse des pistes pour la Syrie de demain.
Par Hugo Lautissier