Bébé, levier d’égalité

Congé paternité, congé parental : deux droits qui deviennent les occasions majeures d’un meilleur partage des activités parentales.

Ingrid Merckx  • 9 février 2012 abonné·es

À 326 euros par mois, le calcul est vite fait. Même si cette somme s’ajoute à l’allocation de base de 180 euros de la Caisse d’allocations familiales, seuls les petits et les bons salaires peuvent choisir sans cas de conscience de prendre un congé parental à la naissance d’un enfant. Soit ceux qui gagnent autant ou à peine plus que ce que coûterait une assistante maternelle ou la crèche, ou ceux qui ont de quoi tenir quelque temps sur le salaire du deuxième parent (s’il est présent).

D’une durée d’un mois à 3 ans, le congé parental est un droit dont bénéficient 555 000  familles en France. Il garantit au salarié un « complément de libre choix d’activité » (CLCA) ainsi que l’assurance que son poste lui sera conservé en l’état. Il est négociable, y compris à temps partiel. Pour les parents, c’est un bénéfice garanti dans un pays où le congé maternité reste fixé à 16 semaines. Et ce même si le Parlement de Strasbourg a voté son allongement à 18 et 20 semaines en octobre 2010 et que d’aucuns militent depuis des années pour son allongement à 5 ou 6 mois.

Un statut pour les aidants familiaux Prendre soin, ce n’est pas une activité féminine par essence mais par construction sociale. La France compte 3 700 000 aidants familiaux, qui sont ainsi des femmes à 69 % (étude Ifop pour la Macif). À 89 %, les aidants font partie de la famille de la personne dépendante ou handicapée (Parkinson, Alzheimer…). À 60 %, il s’agit des enfants, à 25 % du ou de la conjoint(e), à 15 % d’un proche (neveu, nièce…). 65 % ont une activité salariée, 55 % cohabitent avec la personne. L’ activité peut être rémunérée si la personne est bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la compensation handicap, à condition de n’être ni son conjoint ni son « pacsé ». L’aidant est soumis au droit du travail : 48 heures par semaine maximum. 40 % d’entre eux n’arrivent plus à prendre de vacances, 30 % estiment que cette activité a une incidence sur leur santé. Réclamant un véritable statut (avec reconnaissance, formation…), les aidants commencent à se constituer en groupes d’usagers. L’ Association française des aidants est née en 2003, à la suite de l’épisode de la canicule, dix ans après son homologue aux États-Unis.
En Suède, les jeunes parents peuvent se partager jusqu’à 75 semaines pour s’occuper de leur bébé. En France, dans un couple aux salaires moyens qui décide de prendre un congé parental, c’est le plus petit des deux qui s’y colle. Sans surprise, les femmes à 96 %. Ce qui « contribue à perpétuer » un «  partage sexué des tâches domestiques et de l’éducation des enfants » , estime le Haut-Conseil à la famille dans un avis rendu à la ministre Roselyne Bachelot. D’où un projet de raccourcir le congé parental et de mieux le rémunérer pour qu’il ne constitue pas « une trappe à pauvreté pour les femmes » . En outre, une part de ce congé pourrait être prise obligatoirement par le conjoint. Ce qui en ferait un des leviers majeurs d’un meilleur partage des activités parentales.

Alors que 77 % des hommes souhaiteraient voir renforcé le congé paternité créé en 2002 par le gouvernement Jospin, seuls deux tiers des pères prendraient les 11 jours auxquels ils ont droit à la naissance d’un enfant. Où est le blocage ? Contre toute attente, ou pour mieux défendre le retour des femmes sur le marché, c’est Laurence Parisot, présidente du Medef, qui a plaidé pour rendre le congé paternité obligatoire afin de « rétablir un regard plus égalitaire sur les jeunes parents » .

En réponse, l’Inspection générale des affaires sociales a émis l’idée d’un « congé d’accueil de l’enfant » de 8 semaines à partager entre les deux parents après la naissance. Avec l’idée sous-jacente qu’une réforme du congé paternité ne profiterait pas qu’aux hommes. L’idée serait de créer une « symétrie de risques » face au travail et de permettre aux pères « de mieux s’impliquer dans la relation avec leur enfant » , résume Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Il n’empêche : après les inégalités salariales, le plus grand facteur d’inégalités reste les services pour la petite enfance. Leur amélioration est la condition première pour que passer quelque temps auprès d’un bébé puisse être un choix, plutôt qu’une contrainte ou un sacrifice, pour les mères comme pour les pères.

Publié dans le dossier
Qui fait la vaisselle ?
Temps de lecture : 3 minutes