Union enfin crédible

La gauche radicale a finit par se rassembler après beaucoup d’obstacles. Retour sur dix années de tentatives.

Michel Soudais  • 2 février 2012 abonné·es

Illustration - Union enfin crédible

Qui aurait parié qu’un jour la gauche radicale parviendrait à s’unir derrière un candidat à l’élection présidentielle ? Après diverses tentatives, l’objectif semblait même hors de portée. C’est au lendemain du 21 avril 2002 qu’émergent fortement deux idées, depuis indissociables : il faut affirmer une autre perspective que le social-libéralisme, une force politique pour la porter est nécessaire.

Dans les deux années qui suivent l’élimination de Lionel Jospin, les appels en ce sens se multiplient, favorisant l’éclosion de collectifs locaux. Quelques timides rencontres « nationales » sont organisées, mais ne parviennent pas à organiser ce surgissement basiste désordonné.

-Le Parti communiste français. De loin la plus importante formation politique de cette alliance, tant en nombre de militants que d’élus. --Le Parti de gauche. Créé fin 2008, le parti de Jean-Luc Mélenchon se réclame de la république, du socialisme et de l’écologie. --La Gauche unitaire. Issue d’une scission du NPA en mars 2009, cette troisième composante est animée par Christian Picquet. --Fase. La Fédération pour une alternative sociale et écologique, composée de collectifs locaux, a rejoint le Front de gauche (FG) l’été dernier. --Convergences et alternative. Ce courant unitaire du NPA s’est constitué en organisation autonome en avril 2011. --République et socialisme. Regroupe des militants principalement issus du MRC, déçus que Chevènement n’ait pas rejoint le FG aux élections européennes. --PCOF. Ce parti né de scissions successives des mouvements maoïstes et « pro-albanais » a rejoint le FG début octobre. --Les Alternatifs, le M’Pep et Femmes égalité. Ils ont décidé de soutenir la campagne présidentielle sans rejoindre le FG.
À l’été 2003, une quarantaine de responsables politiques et associatifs – des trotskistes unitaires de la LCR au socialiste Jean-Luc Mélenchon (déjà), en passant par des Verts et les refondateurs communistes – signent un appel qui fait espérer un regroupement du camp antilibéral. L’expérience Ramulaud, du nom du restaurant où les « conjurés » se réunissaient, échoue dès la première rencontre nationale, fin septembre. Cette réunion butte sur la perspective des élections régionales (mars 2004) et européennes (juin 2004), pour lesquelles les signataires vont s’engager sur des listes concurrentes, et, surtout, sur leurs appréciations divergentes du projet de Constitution européenne, dont la première mouture vient d’être dévoilée. Après ces élections, où le PCF s’ouvre pour la première fois aux nouveaux courants de gauche antilibéraux en présentant, en Île-de-France, des listes « Gauche populaire et citoyenne » , c’est dans l’opposition au Traité constitutionnel européen que se reforme l’unité de la gauche radicale.
Un appel initié par la Fondation Copernic est à l’origine d’une campagne commune sans précédent. Des collectifs unitaires pour le « non » se forment dans le pays, mêlant des militants de toute la gauche. Des mois durant, Marie-George Buffet, Jean-Luc Mélenchon – contre la position du PS –, Olivier Besancenot, José Bové et bien d’autres se côtoient sur les mêmes tribunes. Ils continueront à le faire après la victoire du « non » (54,7 %), cherchant lors de débats publics le moyen de prolonger leur union.

Tandis que Jean-Luc Mélenchon et ses amis ont repris place au sein du PS pour tenter (en vain) d’obtenir la désignation de Laurent Fabius, partisan du « non », à la présidentielle de 2007, la LCR refuse de s’engager sur la voie d’un rassemblement débouchant sur la présentation de candidatures communes à ce scrutin et aux législatives.

Les collectifs constitués dans ce but adoptent une stratégie, un projet et un programme de 125 propositions. Mais l’élan se brise, le 10 décembre 2006, sur la désignation du candidat à la présidentielle. Aucun des trois candidats qui prétendent incarner l’alternative au social-libéralisme ne s’impose vraiment, même si Olivier Besancenot (4,08 %) devance la communiste Marie-George Buffet (1,93 %) et José Bové (1,32 %).

C’est à cette dispersion que met fin le Front de gauche. Certes, ce n’est pas la force politique rêvée en 2002. Mais cette alliance électorale initiée entre trois formations aux européennes de 2009 s’est raffermie à force d’apparaître durable. Elle s’est élargie à de nouvelles composantes. Et peut « enfin » proposer une alternative au social-libéralisme, comme s’en félicitait Jean-Luc Mélenchon, ­heureux d’annoncer le 29 juin, place Stalingrad, la fin du « temps de l’éparpillement et de l’impuissance » .

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