À gauche, le grand écart

François Hollande, Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon divergent dans leur appréciation des derniers traités et la réponse à y apporter.

Michel Soudais  • 1 mars 2012 abonné·es

Gouverner avec les règles européennes ou contre elles ? Le dilemme divise la gauche. Tout à son image de bon gestionnaire responsable, François Hollande a été le premier des candidats à la primaire du PS à accepter l’engagement pris par Nicolas Sarkozy à Bruxelles, en juillet, au nom de la France. Le candidat socialiste s’est engagé à ramener le déficit de notre pays à 3 % dès 2013, et non plus en 2014 comme prévu initialement dans le projet du PS. Ses 60 propositions s’inscrivent, assure-t-il, dans le cadre imposé par les traités et les directives européennes. À un détail près : le député de la Corrèze entend renégocier le TSCG s’il est élu pour « y ajouter ce qui lui manque » . Il souhaiterait que ce texte privilégie la croissance et l’emploi, et réoriente le rôle de la BCE dans cette direction.

À gauche, beaucoup doutent toutefois de la volonté de François Hollande d’obtenir cette renégociation après la signature du TSCG par les chefs d’État et de gouvernement, cette semaine. D’autant que la ratification de 12 pays de la zone euro suffit à permettre l’entrée en application du texte. Et l’abstention des députés et des sénateurs socialistes sur la ratification du MES, alors que les deux traités sont liés, augure de sa détermination. « Son intention n’est pas de tout bloquer, mais que l’accord de Bruxelles soit rééquilibré » , expliquait mi-décembre dans le Monde Jean-Marc Ayrault, l’un de ses proches parmi les mieux informés.
Contre l’avis de ses conseillers économiques – et, selon Alain Lipietz, en contradiction avec son propre programme et celui d’EELV –, mais en accord avec les trois députés de son parti qui ont voté contre, Eva Joly a dénoncé la semaine dernière, depuis Athènes, le MES, le jugeant « lié à une potion amère qui est inacceptable » . Pour la candidate écolo, qui rêve d’un « traité d’Athènes » qui ait le souci des citoyens et non des banquiers, le « traité proposé par Merkozy nous pousse dans la même impasse que celle proposée par la Troïka en Grèce, parce qu’il poursuit les recettes idéologiques qui ont échoué » .

Le refus des traités « austéritaires » ne fait, en revanche, pas discussion au sein du Front de gauche, dont le candidat Jean-Luc Mélenchon dénonce depuis des mois la dangerosité. Son programme, l’Humain d’abord, écrit avant la mise au point des traités MES et TSCG, tenait déjà le traité de Lisbonne pour « illégitime » et assurait refuser par avance « tous les pactes et plans d’austérité qui concourent à amplifier la récession économique et la régression sociale au nom de la même logique de soumission aux marchés financiers » . Convaincu que les règles européennes rendent impossible une politique de gauche, le Front de gauche annonce qu’il « refusera d’appliquer des directives contradictoires à [ses] engagements » et « prendra l’initiative d’états généraux de la refondation européenne en faisant appel à toutes les forces politiques et sociales disponibles en Europe » .

Ces derniers jours, Jean-Luc Mélenchon a également défendu le principe du recours au référendum sur ces textes quand François Hollande ne l’estimait « pas nécessaire » . Le recours à cette forme de consultation populaire est réclamé depuis mardi dans un appel de 200 personnalités et responsables politiques, syndicaux et associatifs, intellectuels, artistes, issus de tous les horizons de la gauche sauf… du PS. « Quelle que soit l’issue des échéances électorales […], que le texte reste en l’état ou qu’il soit modifié lors d’une éventuelle renégociation, nous exigeons la tenue d’un référendum pour que le peuple décide » , y lit-on notamment. L’Europe n’a pas fini de diviser la gauche.

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