Le piège tendu à Hollande

Le candidat du PS joue la carte d’une normalité effacée. Au risque de se priver de tout élan populaire ?

Michel Soudais  • 22 mars 2012 abonné·es

Illustration - Le piège tendu à Hollande

François Hollande, c’est un peu le premier de la classe. Il est tellement appliqué, s’efforce tellement de faire « président » qu’il en est rasoir. « Je ne suis pas un contre-président, je suis le prochain » , assurait-il après sa victoire dans la primaire socialiste à la une de Libération (7 novembre). Ce sentiment d’être déjà dans la fonction ne le quitte pas. Lundi matin, sur France Info, tout en saluant l’engouement suscité par Jean-Luc Mélenchon, il le minimisait : « Moi, je veux gagner. Je ne suis pas dans un jeu de rôle… Je ne peux pas me laisser aller, être dans la surenchère. Ma responsabilité : faire gagner la gauche. Je me mets dans la situation de pouvoir diriger la France demain. Pas faire un charivari. » Le rassemblement populaire de la Bastille n’était donc à ses yeux qu’un bruit discordant…

Son registre se veut sérieux et responsable. « Je ne ferai aucune promesse que je ne serai capable de tenir » est son leitmotiv depuis qu’il s’est lancé dans la course à l’Élysée. Un parler-vrai salué par nombre d’éditorialistes, mais qui dit son acceptation de la rigueur budgétaire codécidée dans les sommets européens, et une certaine soumission aux dogmes libéraux de bonne gestion. Un principe qui limite également fortement ce « rêve français » qu’il veut incarner.

Contrairement à Nicolas Sarkozy, François Hollande – il le souligne – a présenté un programme avec 60 propositions. Lequel, martèle-t-il, ne pourra être appliqué que « si la croissance est là » . Certes, son projet contient des mesures susceptibles de relancer cette croissance (augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, plan de construction d’un million de logements…), mais, en subordonnant la reprise des politiques de redistribution à l’amélioration de la politique économique à un horizon indéterminé, le candidat du PS conforte l’idée d’une relative impuissance des politiques.
Ce retour de la croissance dépend aussi de l’issue de la renégociation du traité budgétaire signé le 2 mars à Bruxelles : « Personne ne peut imaginer que si la croissance n’est pas là, les objectifs posés par ce traité pourront être atteints » , a-t-il indiqué samedi devant les principaux dirigeants sociaux-démocrates européens réunis au Cirque d’hiver. Il faudra donc arracher à l’Europe un compromis favorable. Et pour ce faire, désigner comme chef de l’État celui qui sera le plus déterminé et le plus apte à l’obtenir. Le choix est ici moins entre programmes que personnes. François Hollande ou Nicolas Sarkozy.

C’est encore sur ce terrain que le candidat du PS se sent le plus à l’aise. Il s’est construit l’image d’un président « normal », par opposition à l’hyperprésident sortant, persuadé que l’impopularité record de ce dernier transformerait le scrutin en un référendum anti-Sarkozy. Pour emporter les suffrages, il est dès lors plus important de ne pas déplaire que de mobiliser sur un projet.
D’où, sur bien des points, la promesse d’un retour à un statu quo ante. Comme la promesse faite à Dijon, le 10 mars, de « retrouver la lettre de notre Constitution » dans l’exercice du gouvernement, celui-ci étant confié à « un Premier ministre qui ne doit pas être un collaborateur mais l’animateur d’une équipe »  ; et l’annonce d’ « une pause » dans les réformes constitutionnelles, notre pays ayant déjà eu « dix-neuf [constitutions] depuis la Révolution française » .

Dans ces conditions, difficile de susciter un élan populaire. Constatant l’ « absence de dynamique en faveur du candidat du PS » , Patrick Buisson, le conseiller opinion de Sarkozy, prédisait dans le Monde, la semaine dernière, que François Hollande « rassemblera le 22 avril moins de suffrages que Ségolène Royal en 2007 » . Le piège est tendu. En s’adressant à des segments successifs de la société pour contourner le peuple, François Hollande a oublié que ce dernier boude les élections sauf une : la présidentielle.

Politique
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