Sarkozy veut faire peuple

Le président sortant fait tout pour séduire les classes populaires, et accuse stratégiquement François Hollande d’être déconnecté de celles-ci…

Michel Soudais  • 22 mars 2012 abonné·es

Illustration - Sarkozy veut faire peuple

Dès l’annonce de sa candidature, Nicolas Sarkozy s’est paré du titre de « candidat du peuple ». Un grimage en totale rupture avec l’image du « Président des riches » qui lui colle à la peau, tant en raison de ses nombreux liens d’amitié avec les patrons du CAC 40 que des nombreux cadeaux faits aux plus fortunés. Du bouclier fiscal des débuts du quinquennat au relèvement des bases de l’ISF à l’automne dernier, le président sortant n’a eu de cesse de leur être agréable.
Très fuyant sur son action, le président-candidat multiplie en revanche les attaques contre François Hollande et les socialistes, autant pour faire oublier son bilan que pour en attribuer les échecs à la gauche. À chaque problème non résolu, il dégaine un bouc émissaire. Une tactique chaotique ? Non, une stratégie réfléchie et ciblée, visant à emprisonner François Hollande dans une image de candidat des élites mondialisées, déconnecté des classes populaires.

« Le projet que porte Nicolas Sarkozy , explique son conseiller opinion, Patrick Buisson, dans un entretien au quotidien le Monde (14 mars), s’adresse à tout l’électorat populaire. Il est clairement le candidat […] du peuple qui souffre de l’absence de frontières et de ses conséquences en chaîne : libre-échangisme sans limites, concurrence déloyale, dumping social, délocalisation de l’emploi, déferlante migratoire. »
C’est donc pour apparaître comme le candidat qui « prend en compte la souffrance sociale des Français les plus exposés et les plus vulnérables » que Nicolas Sarkozy prône le contraire des politiques qu’il a méticuleusement mises en œuvre.

Ses électeurs sont tentés de voter Marine Le Pen ? Il reprend des thèmes de celle-ci : promesse de recourir au référendum sur l’immigration et le chômage pour faire sauter les verrous des corps intermédiaires, mais aussi durcissement des lois sur les migrants, polémique sur la viande halal, dénonciation de l’Europe de Schengen et donc de la libre circulation des personnes (l’une des quatre libertés européennes reconnues par le traité de Maastricht)… Nicolas Sarkozy concurrence l’extrême droite sur son terrain.

Le politologue maison de l’UMP, Dominique Reynié, expliquait récemment que Jean-Luc Mélenchon ne pourrait jamais gagner tout à fait la confiance du vote ouvrier car « son discours n’est pas assez “xénophobe” [^2] » : « Il est moins performant que Marine Le Pen dans l’utilisation du rejet de la globalisation alimenté par […] la concurrence des étrangers sur le marché national de l’emploi tandis que […] les délocalisations donnent l’image d’entreprises filant vers l’étranger. »

Nicolas Sarkozy a retenu la leçon… pour lui-même. Et quand il emprunte au programme du Front de gauche la taxation des exilés fiscaux, violemment rejetée hier par ses proches, c’est avant tout pour parer à l’accusation de « droitisation », pour casser le clivage gauche-droite en le transgressant et élargir sa base électorale. Puisque la mesure est… populaire.

[^2]: Le Point , 1er février.

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