À contre-courant / Austérité contre photovoltaïque

Thomas Coutrot  • 12 avril 2012 abonné·es

L’industrie photovoltaïque européenne est en pleine déroute, avec la quasi-faillite des Allemands Q-Cells, Solarhybrid, Solar Millennium, Solon, et des Français Evasol et Photowatt. Deux raisons majeures : la concurrence chinoise mais aussi l’austérité européenne. Cette affaire est un révélateur éclatant de l’absurdité du libre-échange et de la domination financière.

L’Union européenne s’est engagée à produire 20 % de son énergie avec des renouvelables en 2020. Les pays membres ont donc mis en œuvre des incitations au développement de ces filières, avec notamment un crédit d’impôt de 50 % pour l’achat de panneaux solaires et un prix élevé garanti pour la revente du kilowatt-heure (kWh) solaire à EDF. Des PME européennes se sont lancées sur ce créneau porteur. Mais la Chine, elle aussi, a investi massivement et développé d’énormes capacités de production, cassant les prix du marché. Du coup, des milliers de projets d’installation de panneaux photovoltaïques chinois ont déferlé, attirés par les profits importants dus au décalage entre les coûts devenus faibles des équipements importés et le prix garanti attractif du kWh.

Le coût pour les finances publiques du crédit d’impôt « développement durable » a commencé à grimper en flèche (2,8 milliards d’euros en 2009 pour 1,5 milliard d’euros budgétés initialement), au moment même où les politiques d’austérité se radicalisaient. Fin 2010, le gouvernement décide de « crever la bulle solaire » en réduisant le crédit d’impôt et le prix garanti, et en décrétant même un « moratoire » sur les nouveaux projets. Depuis, des milliers d’emplois ont été supprimés, un rude coup a été porté au développement du photovoltaïque. En Allemagne également, restrictions budgétaires obligent, le coup de frein a été brutal.

Ce scénario absurde montre que la transition énergétique ne peut pas réussir dans un monde dominé par la logique court-termiste de la spéculation et du profit. Il montre aussi en creux ce que pourrait être une politique cohérente de transition écologique et de relocalisation de l’économie. Une taxe kilométrique appliquée à tout transport de marchandises permettrait de réduire la compétitivité excessive des panneaux solaires chinois. Une taxe de 0,01 % par km parcouru, par exemple, renchérirait de 80 % le prix d’un panneau venu de Chine. Le prix de tout produit européen parvenant en Chine augmenterait également de 80 %, ce qui couperait court à toute accusation de guerre commerciale. Une politique industrielle européenne, avec un pôle financier public, favoriserait l’essor de PME et le développement de multiples petits projets décentralisés de production locale d’énergie solaire. En même temps, un effort massif d’investissement dans l’isolation du bâti permettrait une réduction drastique des consommations d’énergie pour le chauffage.

Ce scénario désirable implique évidemment une reprise en main du système bancaire et financier par les pouvoirs publics, un moratoire et une annulation de la partie illégitime de la dette publique, et un rejet des politiques d’austérité qui sont en train de briser toute perspective écologique. Austérité ou écologie, il faut choisir.

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