La tragédie des petites scènes

Menacés de perdre leurs subventions, le Paris-Villette et le Hublot de Colombes se mobilisent.

Gilles Costaz  • 26 avril 2012 abonné·es

Depuis quelque temps, la politique de rigueur frappe sournoisement le monde du théâtre. Par un habile tour de passe-passe, le ministère de la Culture a fait disparaître le Théâtre de l’Est parisien en le rayant de la carte et en mettant à sa place une autre structure, le Tarmac. Il a supprimé la subvention du vaillant Studio-Théâtre de Stains, en Seine-Saint-Denis, mais l’équipe de Marjorie Nakache s’est défendue énergiquement et a pu obtenir son rétablissement.
Aujourd’hui, deux autres salles sont menacées : à Paris, le Paris-Villette, et, en banlieue, le Hublot de Colombes. D’autres noms ­circulent : le Studio-Théâtre d’Asnières, le Voyageur d’Asnières, l’Atelier du plateau à Paris, l’Échangeur à Bagnolet, la Verrière à Lille pourraient être l’objet de ruptures d’accords, mettant en cause la poursuite de leurs activités.

Le Paris-Villette, dans le parc de la Villette, défend les écritures d’aujourd’hui. De nombreux artistes (Delore, Backès, Hatzfeld…) s’y sont exprimés et continuent de le faire. Le directeur, Patrick Gufflet, vient de fêter le vingt-cinquième anniversaire de la maison, mais la fête a été douchée par les nouvelles d’en haut. La Ville de Paris, son seul subventionneur, ne continuera sans doute pas son effort. Le ministère, qui possède les murs, a annoncé qu’il allait y mettre l’Orchestre national de jazz. Comme la salle d’à côté, naguère occupée par le Tarmac, doit être dévolue à la chanson, le théâtre perdrait deux salles en quelques mois.

La fermeture du Paris-Villette n’est pas acquise, heureusement. Patrick Gufflet discute ferme avec la ville et le maire adjoint en charge de la Culture, Christophe Girard. « Ils viennent de donner un budget de 2 millions d’euros à la Maison des Métallos et ils s’étonnent que j’aie accumulé un déficit réel de 250 000 euros avec un budget annuel de 865 000 euros », fait remarquer le directeur. La pétition lancée par le Paris-Villette a déjà reçu 5 300 paraphes.
Surtout, l’Établissement public du parc de la Villette, que préside Jacques Martial, a décidé, pour interrompre ce déclassement de l’art dramatique au profit de la musique, de constituer un front commun du théâtre : le Paris-Villette et les activités théâtrales du parc seront regroupés, non dans leur direction artistique, mais dans une action partagée en direction du public.
À Colombes (Hauts-de-Seine), le théâtre du Hublot est, lui, étranglé par l’État.

Ce « chantier de création théâtrale », installé dans une ancienne usine, a vingt ans de bons et loyaux services du côté des auteurs contemporains, des esthétiques novatrices et de la population. Véronique Widock, qui le dirige, y fait un travail remarquable, mais discret. Cette discrétion est son point faible. La Drac Île-de-France, qui vient de mettre fin au conventionnement, lui reproche de « ne pas faire un travail assez visible ni de coproductions avec les Scènes nationales », étrange formule qui ne correspond pas à la mission du lieu.

Le soutien d’une pétition, où figurent les noms de Joël Pommerat, Ariane Mnouchkine et Gregory Motton, et la fureur de collectivités locales feront-ils reculer une Direction des affaires culturelles qui frappe les petits en priorité dans sa recherche frénétique d’économies ?
Pour le Hublot comme pour le Paris-Villette, l’élection présidentielle peut changer le jeu, mais ils se sentent, comme dit Gufflet, « au bord du précipice ».

Culture
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