Roberto Saviano s’intéresse à la France

Nouveau recueil de l’auteur de Gomorra, sur les mafias italiennes, notamment celles qui agissent dans l’Hexagone.

Olivier Doubre  • 19 avril 2012 abonné·es

Roberto Saviano, on le sait, est menacé de mort depuis plus de cinq ans par la camorra, la mafia napolitaine. En particulier par le clan des Casalesi, qui contrôle les activités illégales autour de sa petite ville, Casal di Principe, au sud de Naples, où près de 45 % de la population a déjà été inquiétée pour « association mafieuse ».

Il vit sous protection policière et change régulièrement de domicile. Nous l’avions rencontré en 2007 [^2] à l’occasion de la sortie de la traduction française de Gomorra, véritable événement à sa parution en Italie, puisqu’il livrait noir sur blanc les noms des camorristi et en décrivait avec précision les trafics, rackets, investissements et homicides multiples.

En 2010, la troisième chaîne de la RAI propose à Saviano d’animer une émission à une heure de grande écoute. Immédiatement, pressions, rumeurs pleuvent à l’encontre de celui dont les écrits sur la puissance des mafias et leurs liens avec les pouvoirs politiques locaux et nationaux sont accusés par Silvio Berlusconi de donner… une « mauvaise image de l’Italie » !

Au bout de la deuxième édition, en dépit d’un record d’audience, la RAI décide d’arrêter « Vieni via con me », qui est alors hébergé par la 7, l’une des rares chaînes privées italiennes indépendantes. L’audience ne cesse alors de croître, battant même celle du « Loft Story » transalpin.
Le livre dont la traduction française paraît aujourd’hui est composé des textes que l’écrivain a lus à la télévision, poursuivant inlassablement sa volonté de « résister à la mafia et à la corruption ». Il s’empare de thèmes aussi forts que l’infiltration mafieuse dans l’économie légale, en particulier dans le nord de l’Italie, véritable « terrain de conquête » par les mafias du Sud, « car une grande part de l’économie italienne, ainsi qu’une part considérable de l’économie allemande et espagnole, se décide dans des villages du Sud, inconnus et arriérés, et non dans les métropoles du Nord ».

Surtout, Saviano livre une préface aussi étonnante que terrifiante pour le lecteur français. Il écrit : « Depuis les années 1980, la ‘Ndrangheta aussi est active sur le territoire français. […] D’après le repenti Giovanni Gullà, chaque village de la Côte d’Azur possède un locale de la ‘Ndrangheta. Les locali les plus importants sont ceux de Marseille, de Toulon et de Clermont-Ferrand. Dans le jargon de la ‘Ndrangheta, le terme locale ne désigne pas un lieu (…) mais une organisation structurée qui agit sur un territoire donné. » Et de mettre en garde : « La France (…) investit très peu dans la lutte contre les organisations criminelles. Le gouvernement Sarkozy (…) se focalise sur la microcriminalité. » Ce nouveau livre poursuit ainsi ses remarquables enquêtes sur les aspects les plus troubles de nos sociétés.

[^2]: Cf. Politis n° 971, du 11 octobre 2007.

Idées
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