À vos loupes, citoyens !

Le Muséum national d’histoire naturelle conduit l’opération Vigie-Nature. L’occasion pour des milliers de volontaires de participer à l’évaluation de la biodiversité du territoire.

Claude-Marie Vadrot  • 3 mai 2012 abonné·es

Très loin des politiques, qui hésitent à prononcer le mot « biodiversité » et ont tendance à confondre les « trames vertes » avec de nouveaux moyens de transport écologiques, les chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) misent désormais sur la science citoyenne et participative. Leur démarche : s’appuyer sur les internautes pour établir un bulletin de santé de la nature dans les espaces urbains, les campagnes ou les banlieues.
Grâce à des sites dédiés (voir encadré), un vaste réseau d’observateurs – simples amateurs ou membres de réseaux associatifs – a pu être constitué.

Leur contribution devrait permettre de doter, d’ici une dizaine d’années, les équipes scientifiques d’une base de données permettant d’analyser les causes de disparition ou de résistance des papillons, oiseaux, escargots, arbres, petits mammifères ou insectes, confrontés à l’urbanisation, aux modifications climatiques ou aux produits chimiques. Nom du programme : Vigie-Nature.
En 2006, l’Observatoire des papillons des jardins (OPJ) voit le jour. Pilotée par le MNHN et Noé Conservation en partenariat avec la Fondation Nicolas-Hulot pour la Nature et l’Homme, l’opération consiste à repérer dans les jardins, publics ou privés, 28 espèces communes de papillons de jour, dont la liste, les formes et les couleurs sont téléchargeables. Dès cette première expérience, près de 4 000 bénévoles font régulièrement parvenir leurs observations sur tout le territoire. Avec des commentaires enthousiastes.

En 2011, les amateurs militants dénombrent 127 258 papillons dans 2 330 jardins. Romain Julliard, écologue et coordinateur scientifique de Vigie-Nature, insiste sur l’importance d’« offrir un retour rapide des résultats scientifiques sur les sites. Les participants ont envie de savoir à quoi ils servent, quelles sont nos conclusions, même si le temps de la science n’est pas toujours le même que celui de l’information. »

L’accumulation des témoignages conduit les spécialistes à redécouvrir la répartition de plusieurs espèces, et la raréfaction de quelques autres. Ils constatent ainsi qu’un seul papillon, le Tircis (Pararge aegeria), joli spécimen brun à taches jaunes, parvient à survivre en ville. Notamment parce que sa chenille, se nourrissant de petites graminées, ne sort que la nuit, échappant ainsi aux ravages des tondeuses à gazon. L’étude fait également apparaître la fonction des orties et des plantes aromatiques dans les jardins, tout comme le rôle essentiel des trames vertes, qui permettent aux papillons de voyager et de se reproduire.

Lancée début 2012, l’opération « Oiseaux des Jardins » connaît à son tour un grand succès. Il s’agit de signaler, sur un lieu choisi, tous les oiseaux aperçus, leur nombre, leurs dates d’arrivée et de départ. À terme, comme pour les papillons, l’objectif est de proposer un portrait de cette faune de plus en plus présente dans les zones urbanisées, en raison de l’intensification des pratiques agricoles ou de l’utilisation accrue de produits phytosanitaires.
Pari gagné, encore, pour le « Suivi photographique des insectes pollinisateurs » (Spipoll) : le réseau, créé en 2010, compte déjà plus de 5 000 inscrits, qui ont posté plus de 45 000 photos. « Ça marche très bien, ce safari, explique Romain Julliard. Les gens envoient des commentaires et mènent des échanges qui font déjà de ce site un véritable réseau social. C’est exactement ce que nous souhaitons : […] sensibiliser chacun à l’intérêt de la préservation de la nature. »

Même ambition et même succès pour « Sauvages de ma rue », programme concernant les plantes urbaines sauvages, ou encore pour « 50 000 observations pour la forêt », vaste enquête sur la biodiversité des espaces forestiers et sur les conséquences de leur fragmentation. Autant d’occasions, pour les citoyens, de s’impliquer dans le progrès des sciences et de s’engager pour la protection de la nature.

Écologie
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