Grèce : percée de la gauche radicale

Les législatives ont mis en échec le bipartisme traditionnel, victime de l’austérité imposée par l’Europe. Avec 16,7 %, la formation Syriza se retrouve à tenter de former un gouvernement anti-austérité. Mission impossible.

Elodie Corvée  • 10 mai 2012
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Le paysage politique grec est sorti bouleversé des élections législatives anticipées de dimanche dernier. Alors que la France fêtait le retour de la gauche au pouvoir, une autre gauche, plus radicale, est entrée en scène en Europe. La formation Syriza a raflé la place de deuxième parti national avec son score de 16,7 %.

Alors qu’il n’avait fait que 4,6 % aux législatives de 2009, ce parti de gauche effectue là un véritable tour de force. Il dépasse les 13,2 % du Parti socialiste au pouvoir, le Pasok, désavoué pour sa politique d’austérité économique. Une révolution dans le bipartisme traditionnel grec, organisé, depuis le retour de la démocratie en 1974, autour des socialistes du Pasok et des conservateurs de la Nouvelle-Démocratie (ND).

Partenaires de l’ancien gouvernement de coalition depuis novembre 2011 et alliés traditionnels, le Pasok et la ND n’étaient pas en mesure, à l’issue de ces élections, de former un nouveau gouvernement ensemble. À eux deux, ils ne remportent que 149 sièges sur 300 au Parlement. Il leur manquait donc 2 sièges pour atteindre la majorité absolue. Une sanction que leur a infligée le peuple, qui les tient pour responsables du gaspillage d’argent public pendant près d’une quarantaine d’années, conduisant à la crise financière actuelle.
Arrivée en tête avec 18,8 %, la ND s’est dans un premier temps retrouvée aux commandes. Le chef de l’État, Carolos Papoulias, membre du Pasok, a ainsi confié à son dirigeant, Antonis Samaras, la tâche de former « un gouvernement qui jouisse de la confiance du Parlement », selon les termes de la Constitution.

Cette mission, extrêmement compliquée au vu des résultats, a échoué: le «mandat exploratoire» dont disposait Antonis Samaras pour trouver «un ­gouvernement de salut national» s’est heurté à l’impossibilité de rallier une majorité pro-austérité au sein du nouveau parlement.
Carolos Papoulias a donc remis ce mandat, mardi 8 mai, au dirigeant du parti arrivé en deuxième position aux élections, à savoir Alexis Tsipras, chef de Syriza.

Mais ni lui ni aucun des cinq autres partis qui ont réussi à faire plus de 3 % pour entrer au Parlement ne soutient les politiques d’austérité conduites par les deux alliés. Alexis Tsipras, qui a fait une campagne résolument anti-austérité, demande un arrêt du paiement d’une partie de la dette. Il se prononce pour une renégociation du plan d’assainissement de l’économie du pays avec ses bailleurs de fonds, l’Union européenne et le FMI. Dans le même temps, la Commission européenne fait pression pour que « le futur gouvernement grec respecte les engagements qu’il a pris » dans le cadre du plan de sauvetage économique.

La présence au Parlement de formations politiques issues de la droite nationaliste rend la formation d’une coalition contre l’austérité impossible. Alexis Tsipras a d’emblée exclu de former un gouvernement avec des forces anti-austérité qui ne soient pas de gauche. S’il échoue à son tour, le chef de l’État devra confier un mandat exploratoire au troisième parti, le Pasok socialiste. Si l’impossibilité se répète encore une fois, Carolos Papoulias convoquera les leaders de tous les partis pour une réunion de la dernière chance. En cas d’ultime échec, les Grecs seront de nouveau appelés à voter. Un scénario très envisageable.

Anticipées par la démission en novembre 2011 de l’ancien Premier ministre socialiste, Georges Papandréou, ces élections ont révélé l’éclatement politique entre, d’un côté, les tenants de la rigueur budgétaire, dictée par les créanciers du pays – l’Union européenne et le FMI, qui lui ont accordé deux prêts successifs de 240 milliards d’euros –, et, de l’autre, ceux qui refusent la poursuite des mesures économiques imposées au peuple grec.

Parmi ces derniers, le KKE (communiste), Dimar (gauche démocratique et pro-européenne), le Parti grec indépendant (droite nationaliste) et les néonazis de Chryssi Avghi (Aube dorée), une première : crédités de 6,97 % des suffrages, ceux-ci font entrer 21 députés au Parlement… Les législatives grecques ont ainsi permis la montée de partis qui n’ont en commun que leur opposition farouche à la politique économique du pays.

Les dix prochains jours de négociations seront cruciaux, alors que les places boursières européennes ont ouvert à la baisse mercredi, bouleversées à la fois par l’arrivée d’un président socialiste en France et la difficile formation du nouveau gouvernement grec. Pression des marchés qu’une gauche digne de ce nom a pour mission d’atténuer.

Monde
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