Radio France : d’une présidence à l’autre

Que sont les présidents de Radio France devenus ? Depuis 1975, tableau historique d’un poste lié à la majorité en place, qui mène à d’autres fonctions prestigieuses.

Jean-Claude Renard  • 24 mai 2012 abonné·es

Depuis la réforme de l’audiovisuel public imposée par Nicolas Sarkozy en 2009, le président de la République nomme directement le PDG de Radio France (celui de France Télévisions aussi). Il peut nommer et révoquer. S’il a promis de revenir en arrière sur ce mode de nomination, François Hollande n’en a pas moins l’occasion de mettre fin maintenant au mandat de Jean-Luc Hees, courant en principe jusqu’en 2014. Il y a peu à parier que ce soit le cas. Il attendra sûrement la mise en place d’une nouvelle structure chargée des nominations et la fin du mandat du président actuel de la Maison ronde, lequel ne sera évidemment pas renouvelé.

C’est le lot de tous ses prédécesseurs, depuis la création de Radio France en 1975. Des prédécesseurs qui, après leur mandat, n’ont pas manqué de présidences. Même écartés, ces présidents ne sont pas des martyrs.
Jacqueline Baudrier (1922-2009) est la première PDG de Radio France. Proche du pouvoir, elle inaugure en 1975 une fonction régulièrement liée aux échéances électorales. De fait, quand Mitterrand est élu en 1981, Baudrier est remerciée et passe ambassadrice déléguée de la France auprès de l’Unesco, avant de devenir présidente du Club Cosmos-Communication, société d’investissement spécialisée dans l’audiovisuel, et de présider le comité d’orientation de La Cinquième.

Journaliste à l’Express et à France Inter, Michèle Cotta lui succède à la tête de Radio France en août 1981. Pas longtemps, malgré un mandat de trois ans. En 1982, Mitterrand crée la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca), constituée de membres désignés par les pouvoirs exécutif et législatif. Il en confie la présidence à Michèle Cotta. Elle n’a pas le choix. « Je savais que, si je refusais, je [perdrais quand même] Radio France », dit-elle aujourd’hui. Elle confie les clés de la radio à un historien, enseignant à Sciences-Po, Jean-Noël Jeanneney, qui prend ses fonctions dès octobre 1982. C’est lui qui verra monter la concurrence des nouvelles radios privées, et développera les stations locales de France Bleu. Après la Haute Autorité, Cotta sera directrice de l’info sur TF1, directrice générale de France 2 et vice-présidente d’IDF1, où elle anime aujourd’hui une émission politique.

1986 marque la première cohabitation. Le gouvernement Chirac remplace la Haute Autorité par la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), « avec une composition vouée à demeurer toujours à droite », se souvient Jeanneney. Si François Léotard, ministre de la Culture, refuse de le recevoir, le considérant « comme un pestiféré », l’historien postule tout de même à sa propre succession : la CNCL choisit un président proche de la majorité, Roland Faure. Jeanneney retourne à ses élèves. Il sera parallèlement président de la mission du bicentenaire, président du conseil scientifique de la chaîne Histoire, et président de la BNF.

En janvier 1989, de retour au pouvoir depuis mai 1988, la gauche remplace la CNCL par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Un mois plus tard, Roland Faure est remplacé par Jean Maheu. Faure ira présider la Radio numérique, puis l’Université radiophonique et télévisuelle internationale (Urti). En novembre 1995, sous un Chirac cette fois élyséen, Michel Boyon, ancien dircab à la Culture (à l’origine de la privatisation de TF1 et de la création de La Cinq de Berlusconi), est le nouveau patron de Radio France. Maheu se console en présidant la Maison de la poésie, puis le conseil d’administration du Théâtre de la Ville.

1998, cohabitation inversée. Jean-Marie Cavada succède à Boyon, qui ira présider d’autres structures, avant d’être nommé à la tête du CSA en 2007. Dans l’histoire de Radio France, Cavada est le seul à démissionner de ses fonctions (au cours de son second mandat) pour conduire une liste UDF aux européennes de 2004. Il est élu député européen, puis réélu en 2009 sous l’étiquette du Nouveau Centre.

En mai 2004, Jean-Paul Cluzel prend sa place, pour un mandat de cinq ans. Non renouvelé. Quoique réputé à droite, il paie auprès de Sarkozy de s’être dépoitraillé pour un calendrier Act Up, affichant son homosexualité. Aujourd’hui, président du Grand Palais et du conseil d’administration de la Réunion des musées nationaux, s’il refuse d’évoquer son expérience, il est plus prolixe sur sa page Facebook, où il poste régulièrement des photos de « bomecs ». Jean-Luc Hees lui a succédé en mai 2009. A-t-il songé quelle présidence lui tend les bras ?

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