Une équipe symbole de rupture

Bonnes surprises : des jeunes, autant de femmes que d’hommes, des personnalités issues des DOM-TOM, et une « charte de déontologie ». Une tonalité qui joue à fond la carte du changement. À suivre…

Michel Soudais  • 24 mai 2012 abonné·es

La composition d’un gouvernement constitue le premier acte politique d’un nouveau pouvoir. Si elle ne résume pas toute son orientation et ne présage pas de ses actes futurs, elle en dévoile la tonalité d’ensemble. Passé la cérémonie d’investiture et les rituels de sa prise de fonction, François Hollande était attendu dans cet exercice. Allait-il mettre en œuvre ses promesses de campagne ? S’appuyer sur des figures d’expérience ou promouvoir des têtes nouvelles ? Si la nomination de Jean-Marc Ayrault à Matignon n’était pas une surprise (Politis n° 1203), le gouvernement dévoilé le lendemain en recèle quelques-unes.

La première est le nombre important de « novices » appelés à illustrer le changement. Sur les trente-quatre membres du gouvernement, seuls cinq ont déjà occupé, par le passé, des fonctions ministérielles (Laurent Fabius, Pierre Moscovici, Michel Sapin, Marylise Lebranchu et Jean-Yves Le Drian). Sept, dont six femmes, ont moins de 40 ans.

La seconde surprise tient à des nominations prometteuses. À la Justice, Christiane Taubira, figure de l’outre-mer et avocate passionnée du dogme républicain, devrait redonner confiance à des magistrats très attaqués par Nicolas Sarkozy et jamais défendus par leurs ministres de tutelle. Nommer à l’Écologie Nicole Bricq, une socialiste spécialiste des finances, semble indiquer que le PS a enfin pris la mesure de l’importance de ce ministère. Ministre de l’Égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot se voit attribuer un ministère à la croisée d’un grand nombre de politiques publiques, tandis que l’eurodéputé EELV Pascal Canfin prend la tête d’un ministère délégué au Développement, thème cher aux écologistes, qui correspond à l’ancienne « coopération » avec le Sud. La création d’un ministère des Droits des femmes, attribué à Najat Vallaud-Belkacem, 34 ans, benjamine du gouvernement, était une revendication des associations féministes ; il faut remonter à… 1981 pour trouver un ministère entièrement dévolu aux femmes. Attribuer le portefeuille du « redressement productif » à Arnaud Montebourg, l’auteur de Votez pour la démondialisation !, est audacieux.

Bonne nouvelle également : la réapparition d’un ministère délégué à l’Économie sociale et solidaire, confié à Benoît Hamon, qui marque l’intérêt du PS pour ce secteur méconnu représentant près de 10 % du PIB. La nomination à la tête d’un ministère délégué à la Famille de Dominique Bertinotti, maire du IVe arrondissement de Paris, ravit les associations de lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), dont elle est de longue date une interlocutrice privilégiée et attentive.

Troisième surprise, si l’on peut dire, s’agissant d’une promesse de campagne – mais les socialistes nous ont tellement habitués à ne pas les respecter… –, le gouvernement Hollande-Ayrault est paritaire. La nouvelle équipe comprend autant de femmes que d’hommes avec, en très bonne place, Christiane Taubira, numéro quatre du gouvernement, la seule toutefois à occuper un ministère régalien, et Marisol Touraine, nouvelle ministre des Affaires sociales et de la Santé. La diversité y est aussi bien représentée avec trois responsables politiques originaires des DOM-TOM : Christiane Taubira, déjà citée, Victorin Lurel, député et président du conseil régional de Guadeloupe, et George Pau-Langevin, députée de Paris mais native de Pointe-à-Pitre. Et quatre personnalités issues de l’immigration : Kader Arif, Najat Vallaud-Belkacem, Yamina Benguigui et Fleur Pellerin.

Sur le plan des équilibres politiques, le bilan est plus nuancé. L’ouverture aux autres partis de la nouvelle majorité reste très limitée, avec deux écologistes et une radicale de gauche, Sylvia Pinel, ministre déléguée à l’Artisanat, au Commerce et au Tourisme. En dépit du refus de Martine Aubry de participer à un gouvernement qu’elle ne dirigerait pas, François Hollande s’est appliqué à ce que toutes les sensibilités du PS soient représentées, mais en proportions inégales. Si l’on se réfère aux motions défendues au congrès de Reims, on dénombre en effet un représentant de la motion C (gauche du PS) et de celle déposée par le « pôle écologiste » (il s’agit de Nicole Bricq), sept signataires des motions D (Aubry) et E (Royal), pour treize signataires de la motion A (Delanoë), que soutenait François Hollande. Et les proches de l’ancien Premier secrétaire du PS trustent les postes clés dans les domaines économiques et sociaux – Pierre Moscovici, Marisol Touraine, Michel Sapin, Stéphane Le Foll –, domaines où la rupture avec la politique de Nicolas Sarkozy ne sera sans doute pas la plus visible.

En attendant les premières mesures concrètes, sur les retraites (voir ci-contre) ou l’allocation de rentrée scolaire, qui devaient être abordées en Conseil des ministres le 23 mai, les premières décisions du gouvernement ont été symboliques. Le 17 mai, Jean-Marc Ayrault a fait signer aux membres du gouvernement une « charte de déontologie » qui se li comme autant de critiques en creux du pouvoir précédent : les ministres ne pourront cumuler un portefeuille avec une responsabilité locale, devront se garder de tout conflit d’intérêt et de toute invitation pour un séjour privé par un gouvernement étranger, ils devront « privilégier le train pour les déplacements d’une durée inférieure à trois heures »…

Le Premier ministre a également fait adopter une baisse de 30 % des rémunérations du Président et des ministres, là où Nicolas Sarkozy avait augmenté le sien de 170 %. Le gouvernement Ayrault étant toutefois un peu plus fourni que celui de François Fillon, et dépourvu de secrétaires d’État, les fonctions de ces derniers ayant été attribuées à des ministres délégués, la baisse de la masse salariale de l’exécutif version François Hollande ne sera en réalité que de 25 %, selon un calcul de l’AFP.

Qu’importe, la mesure vise d’abord à montrer que le gouvernement, qui fait du redressement des comptes publics sa première préoccupation, commence par appliquer lui-même la rigueur qu’il va demander au pays.

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