Ceux qui font barrage au gaspi

Des associations récupèrent et redistribuent une partie – infime, hélas – des produits alimentaires qui ne sont pas vendus.

Alexis Duval  • 12 juillet 2012 abonné·es

Catastrophe écologique et économique, le gaspillage alimentaire est aussi un désastre social. À défaut de traiter le problème à la source, c’est-à-dire de pouvoir réguler la surproduction, plusieurs associations ont mis en place des circuits de récupération des produits alimentaires afin de pallier les excès d’un système qui gaspille à tout va sans que les citoyens-consommateurs ne s’en rendent bien compte. Outre les Restos du cœur, initiés par Coluche en 1985, et le Secours populaire, le réseau des Banques alimentaires récupère chaque année « 87 000 tonnes de denrées, dont la moitié vient de la lutte contre le gaspillage », comme l’indique Maurice Lony, directeur fédéral. Une goutte d’eau dans un océan si l’on se rappelle que 50 000 tonnes d’aliments en moyenne sont jetées chaque jour en France… Mieux que rien toutefois.

Pour un industriel, il existe plusieurs raisons qui incitent à ne pas commercialiser un bien. Date limite de vente dépassée, problème d’étiquetage ou de commande trop importante, calibrage… Signe de l’absurdité d’une société en quête perpétuelle de conformisme. « La situation actuelle n’est pas tolérable, s’indigne Maurice Lony. C’est pour cela que nous considérons qu’il faut mettre toute notre énergie à récupérer les produits alimentaires qui ne seront pas vendus. » La grande distribution, qui joue plutôt le jeu même si c’est au bon vouloir des gérants de magasin, contribue à l’injection de produits alimentaires dans le circuit de redistribution des associations de lutte contre la précarité. « Nous rencontrons beaucoup de compréhension de la part des enseignes et avons de nombreux accords locaux avec elles », atteste Maurice Lony. Il faut dire qu’elles n’ont rien à y perdre et auraient même plutôt à y gagner. « Cela leur coûte moins cher dans une certaine mesure de donner que de détruire, d’autant plus que ce sont nos bénévoles qui viennent chercher les denrées », explique Marc Castille, directeur des relations extérieures au Secours populaire français.

Les grandes surfaces maintiennent des exigences strictes, notamment sur la question de la chaîne du froid. « Nous travaillons à flux tendu et ramenons chaque jour quantité de produits frais par camions réfrigérés pour qu’ils se retrouvent le plus vite possible à disposition de ceux qui en ont besoin », précise Maurice Lony. Le maillage territorial permet par ailleurs une redistribution intelligente. « Ce qui évite d’avoir des tonnes de moutarde dans une seule région lorsqu’une usine rencontre un problème d’étiquetage », note Marc Castille. Sur ce qui est redistribué, une partie plus ou moins importante, en fonction des associations, provient des aides européennes. Le Plan européen d’aides aux démunis (PEAD), représente 50 % de ce que donne le Secours populaire, qui a fourni cent millions de repas en 2011. Une part essentielle, donc, mais dont la pérennité est mise à mal par la fin programmée du PEAD début 2014. « Plusieurs pays européens, l’Allemagne et les Pays-Bas notamment, ne souhaitent plus que l’aide soit faite sur le budget agricole européen, indique Maurice Lony. Pour le moment, l’UE répond à nos besoins, dans l’état actuel de nos capacités de distribution. Mais la fin du PEAD menace tout le monde, d’autant qu’aucun mécanisme de substitution ne sera mis en place. Quand on sait qu’en Pologne la Banque alimentaire dépend à 90 % de l’aide européenne, ce n’est pas le moment de reculer sur le PEAD. L’idée européenne comprend la notion de solidarité. L’enjeu n’est donc pas seulement dans l’aide sociale et dans le fait d’offrir un repas à une personne, ce qui est essentiel. Il s’agit aussi de faire bouger les orientations à donner sur l’utilité de l’Europe. »

Publié dans le dossier
Gaspillage alimentaire : Stop !
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