Cultures en terrasses

Une expérience de potager suspendu à Paris propose initiation au jardinage et apprentissage du travail en commun. Utopie ou reconquête de l’essentiel ?

Claude-Marie Vadrot  • 12 juillet 2012 abonné·es

Un long escalier de fer grimpant vers le ciel, puis le jardin potager surgit comme un enchantement. Nous sommes rue des Haies, dans le XXe arrondissement de Paris, courant mai. Des iris superbes, quelques coquelicots, des choux jaunes qui ont fleuri, des salades plantées au début de l’hiver, de l’ail, des oignons, des carottes ou des poireaux perpétuels, et des arbustes : groseilliers, cassissiers, framboisiers prometteurs. Dans un coin abrité, à côté du tas de compost – car tout ici se cultive sans engrais ni produits chimiques –, il y a même du blé, qui sera moissonné en juillet.

C’est une immense terrasse de 800 m2 juchée sur le gymnase des Vignolles et cultivée depuis octobre 2009, coproduction de la mairie de Paris et de la mairie de l’arrondissement. La gestion a été confiée à l’association La Fayette accueil, qui se consacre depuis la fin des années 1970 à la réinsertion sociale des personnes touchées par la crise : souvent des familles monoparentales, qui ont besoin de renouer des liens sociaux à travers une activité. Une jeune femme timide explique : « De voir ici des légumes et quelques petits fruits que je ne voyais qu’au supermarché, cela me fait réfléchir. Quand je vois qu’ils sont si faciles à cultiver, je me demande pourquoi ils sont si chers et pourquoi je n’ai pas les moyens d’en acheter à mes enfants. Cela m’émerveille. Depuis l’année dernière, je viens tous les vendredis, pour le plaisir et les économies. » Un jeune papa du quartier raconte qu’il monte régulièrement faire respirer le thym en fleurs à son bébé de 6 mois : « Il adore ça. Et moi aussi. »

Dans la pièce commune qui jouxte le jardin, Françoise Spuhler, jardinière et responsable des lieux, anime un atelier et s’efforce de transmettre ses connaissances botaniques et les règles du travail en commun. Son auditoire vient parfois de loin. Les habitants du quartier, eux, tardent encore à adopter le jardin : « Il faut que les habitants apprivoisent cette opération pilote de la ville de Paris. Je dois aussi compter avec les ados du quartier qui viennent ici fumer un joint ou boire ensemble. Je ne suis pas éducatrice des rues ! » Au grand dam de Françoise, des jeunes viennent faire la fête dans le jardin, piétinant les plates-bandes après avoir escaladé les grilles… Ce qui désole les enfants d’une école du coin, qui ont un espace réservé. Heureusement, il y a aussi des adolescents qui donnent un coup de main, montant des sacs et du matériel.

Dans le fond du jardin, sept grands gaillards viennent de s’installer sur les bancs pour fumer une clope à la cool. Ils se font prier pour répondre aux questions, méfiants. Finalement, l’un d’eux demande s’il y a des fraises. Il les découvre en soulevant des mauvaises herbes et n’en revient pas : « Elles sont tellement petites, et encore vertes. J’avais jamais vu ça ! Elles vont vraiment rougir après ? » Une fois l’atelier terminé, beaucoup n’osent pas passer à la pratique, trop intimidés. Jean-Claude, lui, est un habitué. Il désherbe et ôte les oignons de tulipe qu’il faut mettre à sécher au soleil pour les replanter à l’automne. Il apprend à les distinguer de l’ail, qu’il faut laisser en place. Arracher, laisser, repiquer… Un langage complètement nouveau pour des gens de la ville. Inondé de soleil ou arrosé par la pluie, se peuplant doucement d’oiseaux attirés par des insectes de plus en plus nombreux, le potager de toit de la rue des Haies illustre les efforts qui restent à accomplir pour rapprocher les citadins de la nature. Il est aussi un lieu de solidarité et de réapprentissage du lien social. De quoi moissonner un jour !

Écologie
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