La santé pas mieux traitée

Marisol Touraine veut remettre la notion de service d’intérêt général au centre du système de soins, mais les mesures budgétaires ne suivent pas.

Clémence Glon  • 12 juillet 2012 abonné·es

Grand oublié de la campagne électorale et parent pauvre de ce nouveau quinquennat. Rangé loin derrière l’éducation, la justice ou la sécurité, le secteur de la santé n’est pas une priorité pour le gouvernement Ayrault. Il devrait même servir de variable d’ajustement à un budget revu à la baisse. Marisol Touraine, ministre de la Santé, clame pourtant sa volonté de revenir à un hôpital de service public. Mais bien peu de choses semblent envisagées pour donner corps à cette promesse.

Aide médicale d’État

C’était une aberration décidée par la précédente majorité. Depuis 2011, les sans-papiers malades qui souhaitaient bénéficier de l’aide médicale d’État (AME) devaient payer de leur poche un droit d’entrée de 30 euros. À l’époque, le FN s’était réjoui de cette mesure qui excluait du système de santé la plupart des étrangers irréguliers. L’année dernière, l’AME concernait 220 000 personnes. Le manque à gagner pour la Sécurité sociale devrait atteindre 3 millions d’euros. L’Observatoire du droit à la santé des étrangers « salue une mesure de bon sens ». Mais, pour l’organisation, un geste fort serait d’intégrer l’AME à la couverture maladie universelle (CMU), afin de ne plus différencier les sans-papiers des personnes en situation régulière.

Sécurité sociale

Entre l’augmentation des prix, le développement de maladies et le vieillissement de la population, les prévisions annoncent une augmentation de 4 % des dépenses consacrées à l’assurance-maladie pour 2013. Pourtant, l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (Ondam) sera limité à 2,7 %. C’est davantage que ce qu’avait prévu le gouvernement Fillon (2,5 %) mais c’est en dessous de la promesse formulée par François Hollande durant sa campagne (3 %). « Cela équivaut à réduire la marge de manœuvre, il sera difficile de mener de vraies réformes », déplore Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français. Mais l’Ondam, fixé par l’Assemblée, reste strictement indicatif. Chaque année, les dépenses de l’assurance-maladie sont supérieures à l’objectif annoncé. Pour le Syndicat de la médecine générale (SMG), fixer l’Ondam sans annoncer de mesures concrètes équivaut à prendre le problème à l’envers. « La question à se poser est : comment travailler mieux avec moins d’argent ? », estime Didier Ménard, président du SMG. Avec la hausse moins forte que prévue de la masse salariale, et donc des cotisations, les recettes diminuent. Le gouvernement Ayrault n’exclut pas d’augmenter la contribution sociale généralisée (CSG) en 2013 pour pallier ce manque à gagner.

Hôpitaux

Près de la moitié des hôpitaux français sont déficitaires. En juillet 2009, la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) aurait dû permettre l’équilibre budgétaire pour 2012. Mais le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la tarification à l’activité et les restructurations n’ont pas inversé la tendance. Les dépenses des hôpitaux ne pourront diminuer sans une réorganisation globale de la médecine. « La situation actuelle de l’hôpital public est effroyable », alerte Didier Ménard. Pour le président du SMG, il faut alléger les missions du secteur public en les transférant vers la médecine de ville. « Le système actuel est organisé de telle manière qu’il prend en charge les maladies sans proposer une prévention en amont. » Pourtant, il n’est pas nécessaire de se rendre à l’hôpital pour dépister le diabète, la dépression, le cancer et les problèmes cardiovasculaires, ces pathologies qui coûtent très cher au système actuel. Le 26 juin, le conseil supérieur de la Fonction publique hospitalière s’est réuni en présence de Marisol Touraine, qui a confirmé sa décision de maintenir la loi HPST alors que la plupart des syndicats s’y opposent. Les services devront donc continuer à tourner en sous-effectif. « Nous sommes dans l’attente, mais nous ne nous faisons pas d’illusions sur la politique qui sera menée », confie Philippe Bernard, de Solidaires-SUD. Revaloriser les salaires les plus bas avait été présenté comme un bon moyen d’attirer un personnel qui se tourne de plus en plus vers l’étranger. « L’augmentation du Smic de 0,6 % nous fait doucement sourire », poursuit Philippe Bernard.

Déserts médicaux

Rien n’a été précisé quant aux mesures pour lutter contre les déserts médicaux (principalement les zones rurales et la périphérie des villes). « Le gouvernement est bien plus dans l’affichage que dans les annonces concrètes », regrette Didier Ménard. Dans le discours de politique générale prononcé par Jean-Marc Ayrault mardi 3 juillet, le maintien des hôpitaux de proximité ou la création de centres de santé ont été passés sous silence.