Le Parlement enterre l’Acta

Le Parlement européen a voté le 4 juillet en séance plénière le rejet du traité Acta qui faisait l’unanimité contre lui, à l’exception de la droite française.

Christine Tréguier  • 11 juillet 2012
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Avec les cinq rapports de commissions préconisant son rejet, la mort du traité Acta (Anti-counterfeiting Trade Agreement) était annoncée. Il ne manquait plus que le vote en séance plénière du Parlement européen. La Commission européenne a tenté jusqu’au bout, par l’intermédiaire du Parti populaire européen (PPE), d’obtenir que le vote soit différé pour attendre la décision de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne). Mais la proposition a été rejetée par 420 voix contre 255. Le vote ultime a eu lieu le 4 juillet, et la victoire des opposants a été écrasante : 478 voix contre, 39 pour et 165 abstentions.

L’analyse des votes est instructive : parmi les 39 voix en faveur d’Acta, on compte pas moins de 21 eurodéputés français, parmi lesquels Rachida Dati, Brice Hortefeux, Marielle Gallo, Nora Berra ou Alain Lamassoure. C’est dire la puissance des lobbies de l’industrie culturelle en France. Dati a d’ailleurs tenu à faire savoir qu’elle s’était trompée de bouton et que son intention était de s’abstenir.

« Je suis très heureux que le Parlement ait suivi ma recommandation et ait rejeté Acta. Le traité était trop vague et ouvrait la porte à des interprétations erronées » , a déclaré le rapporteur du texte auprès du Parlement européen, David Martin, eurodéputé britannique (S&D). Pour lui, « Acta est la plus grande défaite législative jamais subie par la Commission au Parlement ». Elle n’est pas sans précédent. La dernière fois que le Parlement avait aussi peu soutenu un texte de la Commission, c’était en juillet 2005, lors du vote de la directive sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur. Elle n’avait recueilli que 14 voix pour.

Pour David Martin, les raisons de l’échec résident dans le côté secret de l’élaboration du texte et dans l’amalgame entre biens physiques et biens immatériels : «  Si nous avions été impliqués plus tôt, la Commission aurait pu imaginer rédiger un accord en deux parties : l’une sur les biens physiques et l’autre sur les biens immatériels. La première aurait probablement été validée sans le moindre commentaire des députés : personne en Europe n’est prêt à accepter des médicaments contrefaits ou des imitations de sacs Gucci. La liberté sur Ie web était une problématique beaucoup plus sensible.  » 

Acta pourrait survivre dans les onze pays qui l’ont déjà ratifié, et la Commission pourrait ultérieurement tenter de réhabiliter l’accord si la CJUE le juge conforme aux acquis européens. Mais pour Jérémie Zimmermann, de la Quadrature du Net, il est temps de passer à autre chose. « Au-delà d’Acta, nous devons mettre un terme à l’escalade répressive imposant des dispositifs qui mettent à mal Internet et les libertés fondamentales. Les citoyens doivent exiger une réforme positive du droit d’auteur qui permettra d’encourager les pratiques culturelles en ligne, telles que le partage et le remix, plutôt que de les réprimer. La victoire contre Acta doit marquer le début d’une nouvelle ère dans laquelle les décideurs publics font passer les libertés et l’Internet libre – notre bien commun – avant les intérêts privés. »

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