Libye : La fièvre électorale

La forte participation aux élections législatives laisse espérer un bon déroulement de la transition démocratique.

Laurène Perrussel-Morin  • 12 juillet 2012 abonné·es

Les deux millions et demi d’électeurs libyens appelés aux urnes ont voté massivement le 7 juillet, selon la Commission électorale : 62 % d’entre eux se seraient exprimés. Malgré des violences et des sabotages de bureau de vote en Cyrénaïque, dans l’est du pays, les Libyens ont honoré massivement leurs premières élections libres. Les fédéralistes, qui ont tenté de bloquer le scrutin parce qu’ils contestaient la répartition des sièges à l’Assemblée (100 pour l’Ouest, 60 pour l’Est, 40 pour le Sud), n’ont pas été suivis.

Les résultats préliminaires ont commencé à filtrer lundi soir, et laissent supposer une avance des libéraux de l’Alliance des forces nationales (AFN) sur les islamistes du Parti de la justice et de la construction (PJC, issu des Frères musulmans). Les libéraux enregistreraient notamment une victoire écrasante à Janzour (près de Tripoli) et à Zliten (près de Misrata, bastion rebelle longtemps assiégé pendant la guerre contre les forces de Mouammar Kadhafi). L’AFN est cependant moins plébiscitée dans la ville de Misrata, dans laquelle elle ne serait qu’en quatrième position. Le reste des résultats était communiqué au compte-gouttes en raison des difficultés d’acheminement des urnes. Ce vote, d’ores et déjà salué sur la scène internationale, doit être compris dans le contexte électoral de la Libye : les Frères musulmans y sont souvent perçus comme des militants de l’étranger du fait des relations entretenues avec la confrérie en Égypte. Leur mouvement a, de plus, été fortement étouffé par Mouammar Kadhafi. L’AFN, dirigée par Mahmoud Jibril, ancien Premier ministre du Conseil national de transition (CNT), est un ensemble hétéroclite, composé d’une soixantaine de formations issues des révolutions de 2011. Ce parti prône un libéralisme d’ordre principalement économique. Dans l’attente des résultats officiels, Mahmoud Jibril a appelé les autres partis à l’unité le 8 juillet au soir.

Ces élections visent à désigner les 200 membres du Congrès national général, qui remplacera le CNT et rédigera la Constitution, en se fondant probablement sur la loi islamique. Les libéraux s’accordent également sur la légitimité de la charia en Libye. Le 5 juillet, le CNT a indiqué que  « le peuple libyen est attaché à l’islam comme religion et comme législation. Par conséquent, le Conseil national de transition recommande de considérer la charia comme la principale source de la législation. » La libération de la Libye a été proclamée par le CNT le 23 octobre 2011 à Benghazi. La mise en œuvre d’élections était d’autant plus délicate que le dictateur libyen, au pouvoir pendant quarante-deux ans après avoir renversé le roi Idris Ier par un coup d’État, avait interdit le pluralisme démocratique. La révolution de 2011, qui avait débouché sur un conflit armé, avait causé sa chute et sa mort. Le clan Kadhafi est toujours poursuivi par le CNT. Seif al-Islam, le fils de Mouammar Kadhafi, est recherché par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité. Les autorités libyennes, qui le retiennent au sud-ouest de Tripoli, contestent la légitimité de cette instance et entendent juger elles-mêmes le fils du « Guide de la révolution ». Le relatif bon déroulement de ces élections laisse espérer la mise en œuvre d’institutions équitables, notamment judiciaires.

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