Un « non » ouvrirait une brèche

Pour certains politiques, un refus de la France permettrait de renégocier le traité avec un meilleur rapport de force.

Michel Soudais  • 13 septembre 2012 abonné·es

Un refus de la France de ratifier le traité budgétaire européen ouvrirait une crise en Europe. L’argument a été employé par le gouvernement pour justifier son choix d’approuver un texte que son candidat, François Hollande, critiquait avant de s’installer à l’Élysée. Les opposants au traité ne l’entendent évidemment pas ainsi. « Pour le respect des règles budgétaires, il y a déjà hélas le six-packs », souligne la socialiste Marie-Noëlle Lienemann. Dans la novlangue des eurocrates, cette appellation désigne cinq règlements et une directive européenne, adoptés fin 2011, qui ont déjà considérablement durci le pacte de stabilité et renforcé la surveillance macroéconomique des États membres. « Il n’y aurait donc pas le feu au lac », avertit la sénatrice de Paris. « Sur le plan juridique, le traité continuerait sans la France », note François Delapierre, secrétaire national du Parti de gauche (PG) et ancien directeur de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon. L’article 14 du TSCG prévoit en effet que ce traité entre en vigueur au 1er janvier 2013, dès lors que douze des dix-sept pays de la zone euro l’auront ratifié. Sur le papier, il est donc possible de se passer de l’avis de quelques pays, et « les récalcitrants seront sans nul doute mis sous une triple pression, de leurs pairs, des agences de notation et des créanciers, qui, sur les marchés financiers, pourraient boycotter la dette publique de ces pays », assure Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité et député européen, dans l’ouvrage de décryptage qu’il consacre au TSCG, au pacte de croissance et à deux règlements coercitifs votés par le Parlement européen en juin [^2].

Politiquement, un non français pèserait toutefois d’un tout autre poids qu’un refus slovène ou maltais. « Ses effets seraient très positifs », assure Patrick Le Hyaric. Pour commencer, « il permettrait au président de la République de remettre sur le tapis sa proposition de renégociation du traité avec un autre rapport de force ». C’est aussi la conviction de Marie-Noëlle Lienemann, qui ne cesse, depuis le sommet européen des 28 et 29 juin, de réclamer à François Hollande cette renégociation qu’elle juge « nécessaire et possible ». À ses yeux, la priorité de cette renégociation serait d’ « obtenir un accord sur la révision du rôle de la BCE ». Ce point figurait dans le projet du PS et dans les engagements de son candidat à l’Élysée ; il est aussi considéré par le Front de gauche comme « la » première urgence. La sénatrice socialiste de Paris estime qu’il serait ensuite possible d’ouvrir la discussion sur un gouvernement économique « même provisoire » de la zone euro qui « définisse des cadres non pas ad vitam aeternam, mais pour trois ans ». À l’étape suivante, elle imagine la possibilité d’une « négociation sur les standards sociaux »  ; car si l’Europe en est arrivée là, c’est parce qu’au lieu de s’engager dans la voie d’une harmonisation fiscale et sociale, elle a mis les peuples en concurrence. Un non français « aurait aussi de l’importance » parce qu’il serait « universaliste et non nationaliste », avance Marie-Noëlle Lienemann. « Il ouvrirait une brèche qui forcerait le débat », complète François Delapierre, convaincu que « le cours austéritaire de l’UE est extrêmement fragile ». Tout comme Patrick Le Hyaric, l’ancien directeur de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon constate des « mobilisations croissantes des peuples contre les politiques d’austérité » (Grèce, Espagne, Portugal…) sur le terrain social comme sur le terrain politique. Il pointe également le « doute qui gagne les classes dirigeantes », et pas uniquement des gens de gauche, sur la viabilité du système. « C’est ce doute qui a obligé Sarkozy et Merkel à faire une démonstration de fermeté et d’inflexibilité », estime-t-il. Notamment avec la Grèce. « Le système, selon lui, repose uniquement sur l’idée qu’on ne peut pas faire autrement. Si la France donne le signal qu’un choix existe, beaucoup de gens, et à terme une majorité d’Européens, diront dans leur pays, qu’on peut faire autrement. »

[^2]: L’Europe des peuples nous appelle ! , Patrick Le Hyaric, Éd. l’Humanité, 252 p., 5 euros.

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Traité européen : Et si on disait non
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