Changement de cap

En assouplissant l’accès à la nationalité, Manuel Valls balaie les mesures restrictives imposées par Claude Guéant.

Clémence Glon  • 25 octobre 2012 abonné·es

Une façon de redorer son blason de premier flic de France ? Jeudi 18 octobre, Manuel Valls a publié une circulaire redéfinissant les critères d’accès à la nationalité française. L’objectif : revenir au rythme de 100 000 naturalisations qui avait cours en 2010, avant le discours de Grenoble et le passage de Claude Guéant place Beauvau. Par un tour de vis administratif, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy avait fait chuter le nombre des naturalisations à 87 000 en 2011. « Ces dernières années, l’accès à la nationalité française a été entravé, empêché. Des obstacles qui n’ont jamais fait l’objet d’un débat ont touché des étrangers installés régulièrement et depuis longtemps en France », a déclaré Manuel Valls dans les locaux de la préfecture de Toulouse. En citant Romain Gary, Paul Valéry ou encore Ernest Renan, le ministre de l’Intérieur s’est placé en digne représentant du « pays des droits de l’homme », semblant oublier les expulsions de camps de Roms qui se poursuivent. La première mesure prise afin d’infléchir la courbe des naturalisations concerne les modalités liées à l’emploi. L’obligation de détenir un CDI pour devenir français occasionnerait à elle seule près de 40% des refus. Désormais, les personnes en CDD ou en intérim pourront prétendre à la naturalisation. Le délai de séjour minimum en situation régulière sera quant à lui revu à cinq ans. La mesure de Claude Guéant, qui l’avait doublé sans concertation, passe donc à la trappe.

Concernant les étudiants étrangers, l’engagement est moins clair. Manuel Valls demande aux préfets « une meilleure prise en compte des potentiels » des jeunes diplômés qui se voient automatiquement refuser la nationalité pour des raisons économiques. En ce sens, la circulaire s’inscrit dans la lignée de l’abrogation de la circulaire Guéant, qui restreignait la possibilité pour les étudiants étrangers de travailler en France. Mais le manque de précision dans les critères d’attribution fait redouter des décisions laissées à la discrétion des préfets.

Les jeunes de moins de 25 ans devraient également bénéficier de ce changement de cap. Ainsi, s’ils ont passé au moins dix ans sur le territoire français et y ont suivi une scolarité continue d’au moins cinq ans, l’examen sera moins restrictif. Dès à présent, la méthode du questionnaire à choix multiples relatif à la connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises est abandonnée. « On ne devient pas français en répondant à un QCM », a lancé Manuel Valls. Ce mode d’évaluation n’aura été en vigueur que trois mois et demi. Le ministre de l’Intérieur marque encore la différence avec son prédécesseur en satisfaisant une demande des associations. Les personnes de plus de 65 ans seront exemptées de l’évaluation de langue française, qui doit attester d’un niveau de fin de classe de troisième. Cet assouplissement de la politique d’accès à la citoyenneté n’est qu’une première étape. Une « circulaire-cadre », qui « précisera l’esprit dans lequel l’accès à la nationalité doit se dérouler » et qui « encadrera […] le contenu et la forme de l’entretien dit “d’assimilation” », sera présentée début 2013. Mise en place depuis le 1er janvier, la charte des droits et devoirs que paraphe une personne naturalisée semble arriver – doucement – à bout de souffle.

Société
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche
Répression 28 novembre 2025

Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche

Fin septembre, le gouvernement français a été interpellé par quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les atteintes aux droits humains qu’entraînerait la dissolution d’Urgence Palestine. Politis a pu consulter la réponse du gouvernement, qui évacue les questions, arguant que la procédure est toujours en cours.
Par Pauline Migevant
« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement
Reportage 27 novembre 2025 abonné·es

« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement

Si le centre de rétention administrative (CRA) d’Oissel-sur-Seine, situé en pleine forêt, n’existe pas dans la tête des gens habitant aux alentours, l’enfermement mental et physique est total pour les femmes et les hommes qui y sont retenus. Politis a pu y rentrer et recueillir leurs témoignages.
Par Pauline Migevant
« À Paris, les manifs pour la Palestine doivent être à la hauteur des autres capitales européennes »
La Midinale 26 novembre 2025

« À Paris, les manifs pour la Palestine doivent être à la hauteur des autres capitales européennes »

Anne Tuaillon, présidente de l’association France Palestine Solidarité, est l’invitée de « La Midinale ». Ce samedi 29 novembre, 85 organisations dont LFI, le PS, le PCF, les Écologistes, la CGT et beaucoup d’autres, organisent une grande mobilisation pour la défense des droits du peuple palestinien sur la base du droit international.
Par Pablo Pillaud-Vivien
L’affaire Tran, exemple malheureux d’une justice à deux vitesses
Décryptage 25 novembre 2025

L’affaire Tran, exemple malheureux d’une justice à deux vitesses

112 plaignantes, 1 gynécologue… et 11 ans d’instruction. En 2027, le docteur Tran sera jugé pour de multiples viols et agressions sexuelles. Plaintes ignorées, victimes oubliées, délais rallongés… Cette affaire témoigne de toutes les lacunes de la justice en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Par Salomé Dionisi