Vincent Drezet : « Un premier pas, mais non décisif »

La loi de finances pour 2013 prévoit de taxer les très hauts revenus et les plus-values de cession, mais ménage les revenus du capital.

Thierry Brun  • 25 octobre 2012 abonné·es

Le débat budgétaire à l’Assemblée nationale, dans le cadre du vote de la loi de finances pour 2013, est l’occasion d’examiner les engagements du gouvernement, dont la grande réforme fiscale devait avoir pour principe : « Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail. » Il aurait fallu pour cela mettre fin aux « dispositifs d’optimisation fiscale dont usent et abusent les grands groupes », selon André Chassaigne, chef de file du Front de gauche. Fiscaliste et secrétaire national de Solidaires Finances publiques, Vincent Drezet fait le point sur cette nouvelle politique fiscale.

Où en est-on de l’imposition des revenus du capital ?

Vincent Drezet : L’imposition des revenus du capital est marquée par le prélèvement forfaitaire libératoire sur les revenus financiers. Les plus-values mobilières seraient imposables au taux forfaitaire de 24 % dans le projet de loi de finances pour 2013, alors qu’il n’était que de 16 % en 2007. Il est prévu un taux de 24 % pour les revenus d’obligations et de placements à taux fixe, et de 21 % pour les dividendes. À cela s’ajoutent les prélèvements sociaux, qui sont de 15,5 % en 2012. Le gouvernement maintient un taux proportionnel pour les plus-values alors que l’imposition des revenus du travail, les revenus de remplacement comme les pensions et les revenus fonciers relèvent du barème progressif de l’impôt sur le revenu. Aujourd’hui, le prélèvement forfaitaire libératoire est optionnel pour certains revenus et obligatoire pour d’autres. Mais la plupart des contribuables concernés optent pour le prélèvement forfaitaire, avantageux.

Existe-t-il un moyen d’échapper à cette imposition des revenus du capital ?

Cette imposition, mal répartie du fait du taux proportionnel appliqué aux revenus du capital, contient des mesures dérogatoires, comme des abattements progressifs sur les plus-values, des exonérations dans le cadre de plans d’épargne en actions. D’autres concernent les cessions d’entreprise. Quantité de niches fiscales permettent de réduire l’imposition des revenus du capital. Or peu de mesures dérogatoires ont été évaluées dans la loi de finances pour 2013, alors qu’elles sont coûteuses pour l’État.

Le budget pour 2013 prévoit-il un rééquilibrage entre les revenus du capital et ceux du travail ?

On a fait un premier pas, mais il n’est pas décisif. L’alignement complet viserait à imposer l’ensemble des revenus du capital au barème progressif de l’impôt sur le revenu et non à céder au mouvement des « pigeons » entrepreneurs. L’imposition entre revenus du capital et revenus du travail reste déséquilibrée du fait du maintien des nombreuses niches fiscales. Beaucoup d’exonérations concernent les plus-values et les revenus financiers. La fiscalité de l’épargne est, par exemple, le royaume de l’exonération. Le problème est que se sont développées des réductions d’impôt pour l’investissement dans des fonds communs de placement dans l’innovation, des exonérations sur l’assurance-vie, des abattements sur les revenus financiers… On ne voit pas la pertinence de ces niches. L’assurance vie représente un milliard d’euros d’exonérations ; les plans d’épargne en actions, 350 millions d’euros ; l’abattement forfaitaire sur les dividendes, 330 millions d’euros… Il y a là matière à dégager de nouvelles recettes fiscales, car l’argument de la double imposition ne tient pas. Si on considère qu’il y a une double imposition pour ces revenus du capital, il serait nécessaire de revoir l’ensemble du système fiscal, parce qu’un salarié paye l’impôt sur le revenu, puis aussi la taxe d’habitation, la TVA, puis d’autres impôts…

Comment jugez-vous le projet de loi de finances pour 2013 ?

Incontestablement, il y a des mesures intéressantes sur le volet fiscal avec la tranche supplémentaire visant à imposer à 45 % la fraction de revenus supérieure à 150 000 euros, qui devrait rapporter 320 millions d’euros. Il reste cependant des marges de manœuvre. Il faudrait une stratégie en matière de fiscalité de l’épargne : en simplifiant le système fiscal, on dégagerait des ressources nouvelles. Il y avait un début d’incitation dans la loi de finances pour 2013, mais le gouvernement est revenu en arrière avec le mouvement des « pigeons ». On s’est donc arrêté au milieu du gué.

Économie
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