La culture du banzaï

Soirée spéciale grolandaise à l’occasion des 20 ans du magazine satirique sur Canal +.

Jean-Claude Renard  • 22 novembre 2012 abonné·es

Au commencement étaient les sœurs Torche, Marie-Ernestine et Marie-Potiche, dont les bobines de leurs premiers films, la Sortie des usines de Blunion-la-Bedoule, l’Absence du train en gare de Mormougne et le Voyage dans la dune, ont été récemment retrouvées, exhumées d’une cave à bière. C’est à Bertrand Tavernier, interviewé par Michael Kael (Benoît Delépine), de retracer très sérieusement, face caméra, l’histoire du cinéma grolandais, avec ses premiers effets spéciaux, sa première comédie, sa première trame documentaire. Un récit entrecoupé de courts métrages grolandais inédits, imprégnés tout naturellement de l’humeur de « Groland ». Des films ingénieux, emplis de dérision, de cynisme et d’humour noir, au diapason de Louise-Michel, de Mammuth ou du Grand Soir, mêlant les parodies, les clins d’œil à quelques classiques du cinéma, comme Psychose ou les Dents de la mer, aux films gore ou érotiques, à l’atmosphère bourgeoise et provinciale des restaurants des années 1970, non sans ajouter quelques résonances politiques. Cinégro rassemble ainsi dix-neuf courts métrages réalisés entre 2001 et 2012, la plupart écrits par Benoît Delépine, Gustave Kervern et Christian Borde (alias Jules-Édouard Moustic).

« Groland » fête aujourd’hui vingt ans de petit écran. Presque une éternité en télévision, a fortiori sur une chaîne privée. Vingt ans célébrés par un autre film, Banzaï !, un documentaire « low cost » réalisé avec un téléphone portable par Frank Bellocq et Étienne Labroue, partis à la rencontre de Grolandais, ou plutôt de ces fans de l’univers de Groland, livrant leurs impressions, leurs souvenirs, leurs attachements et leurs lectures. Une foule d’anonymes ou de personnalités (Olivier Besancenot, Jean-Michel Ribes, Vikash Dhorasoo), dont « Banzaï ! » serait le cri de ralliement, portés par les slogans de la Présipauté, marquant l’histoire du magazine : « Du vin, du hasch et du vin, c’est le 20 h 20 », ou les « Nouvelles neuves du dedans », présentant l’actu de proximité de ce territoire imaginaire. Plutôt que d’aligner une série d’extraits d’hier à aujourd’hui, les réalisateurs dessinent ainsi subtilement le portrait du magazine : beaucoup de provocation, d’humour, de causticité, un point de vue caricatural sur la société, un miroir grossissant, dont les limites de l’absurde sont toujours repoussées. Et, loin d’une simple gaudriole scatologique, tout un monde à voir comme une issue de secours.

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