Quel remède pour lutter contre les déserts médicaux ?

Le nouveau statut de « praticien territorial », voté le 26 octobre à l’Assemblée, doit inciter les jeunes médecins généralistes à s’installer dans les zones rurales délaissées.

Lena Bjurström  • 1 novembre 2012 abonné·es

Jean-Michel Guyon est médecin généraliste en zone rurale, une espèce qui se fait rare en ces temps d’inquiétude autour des déserts médicaux. À l’instar de la plupart de ses collègues à la campagne, il a débuté dans les années 1980, alors que le « surplus » de praticiens incitait à accepter des postes en des lieux reculés. Mais s’il a exercé d’emblée dans le Doubs, dont il est originaire, c’est par vocation pour cet exercice si particulier de la médecine.

Pour toute cette génération, l’âge de la retraite approche, et trouver un remplaçant n’est pas une tâche aisée. L’Ordre national des médecins constate que, dans plus d’un département sur deux, la moyenne d’âge des généralistes libéraux est supérieure à 53 ans. Les nouvelles générations rechigneraient à « s’exiler » en zone rurale. « Dans la plupart des universités, la médecine générale n’attire pas les foules. Pour beaucoup d’étudiants, il s’agit d’un choix par défaut. Être médecin généraliste, qui plus est à la campagne, n’est donc pas très valorisant », explique Gaëlle, étudiante en cinquième année à Brest. Pour tenter de remédier à cette situation, les députés ont voté vendredi 26 octobre la création du contrat de praticien territorial, qui devrait entrer en vigueur dès 2013, et doit permettre à des jeunes médecins de s’installer dans des zones médicalement sous-dotées en leur garantissant des revenus pendant deux ans. Des députés PS avaient également proposé la mise en place de mesures contraignant les jeunes médecins à s’installer pour trois ans dans une zone en déficit de praticiens. Une mesure plusieurs fois annoncée qui avait suscité de l’agitation chez les étudiants, inquiets de l’atteinte qu’elle porterait à leur liberté d’installation. L’amendement a été rejeté, à la satisfaction des syndicats, qui dénoncent son caractère obligatoire et son manque d’efficacité.

Pour Pierre Gros, médecin à Artemare, dans l’Ain, et syndiqué à MG France, le syndicat des généralistes, il y a deux raisons essentielles au peu d’attrait de la médecine libérale. Il constate, d’une part, une forte féminisation de la profession ; or, les libérales en congé maternité ne bénéficient d’aucune couverture sociale. D’autre part, exercer ainsi requiert la création d’un cabinet, l’emploi d’un secrétaire, un certain nombre de démarches administratives, et tout cela nécessite un investissement financier et humain. Jean-Michel Guyon dresse le même constat : « Beaucoup de jeunes veulent tout simplement exercer leur métier sans s’embarrasser de ces démarches annexes. » S’installer en libéral à la campagne signifie également un travail solitaire, isolé, représentant souvent 60 heures par semaine. La formule, sans l’appel tenace d’une vocation, n’attire guère. Face à cette situation, diverses mesures sont envisagées. Afin de lutter contre la mauvaise réputation du métier, les maisons de santé de Franche-Comté accueillent en stage tous les étudiants en médecine de Besançon, spécialistes et généralistes confondus. Jean-Michel Guyon fait d’ailleurs l’éloge de la maison de santé de Mouthe. Sa création, il y a deux ans, a permis au médecin d’attirer deux nouveaux généralistes. Ils exercent toujours en libéral, mais le travail, tant médical qu’administratif, est partagé, et Mouthe s’apprête à disparaître de la carte des déserts médicaux.

Cependant, si « la maison de santé est une bonne initiative, ce n’est pas la réponse à tout », souligne Pierre Gros. Regrouper les praticiens a parfois pour conséquence la disparition du médecin du bourg, qui part s’installer un peu plus loin. Et certains patients âgés ont besoin de conserver le même interlocuteur. Pour le syndicaliste, il faut avant tout débloquer des « aides structurelles », à savoir un soutien à la création d’un cabinet, dont le coût repose actuellement sur le budget du médecin, payé à l’acte. Une exigence que le nouveau contrat de praticien territorial ne satisfait pas.

Société Santé
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