Un parti sans foi ni loi

Absence de projet collectif, pratiques frauduleuses… Le fiasco de l’UMP révèle une profonde crise identitaire de la droite.

Michel Soudais  • 29 novembre 2012 abonné·es

Le conflit qui secoue l’UMP souligne une crise d’identité sans précédent dans l’histoire de la droite française de ces cinquante dernières années. Dans l’esprit de ses fondateurs, le grand parti de la droite et du centre constitué au lendemain de la présidentielle de 2002, qui avait vu Jean-Marie Le Pen accéder au second tour, devait tout à la fois juguler la montée du Front national et mettre un terme à la division de la droite en absorbant l’UDF. Dix ans après sa création, le Front national s’est doté d’un nouveau visage, à défaut d’une ligne nouvelle, et a retrouvé un haut niveau électoral. Après le départ des radicaux de l’UMP, l’UDF s’est reconstituée sous une nouvelle appellation, l’UDI, l’Union des démocrates et indépendants. Et la division de la droite pourrait encore s’accentuer avec la création à l’Assemblée, autour de François Fillon, du groupe Rassemblement UMP, auquel près de soixante-dix députés se sont aussitôt inscrits. Ce double échec aurait dû animer le débat du congrès de l’UMP.

Or, en privilégiant la lutte pour la présidence dans un combat personnel pour le contrôle de l’appareil, ni François Fillon ni Jean-François Copé n’ont véritablement avancé un projet capable d’impulser un nouveau souffle à l’UMP. Et pour cause… Alors que le même jour les adhérents votaient également sur les déclarations de principe des « mouvements », nom donné aux courants représentant les différentes sensibilités du parti, les signataires de ces textes pouvaient aussi bien soutenir l’un ou l’autre des candidats, qui se trouvaient, de fait, appuyés par des courants divergents. Si les animateurs de la Droite forte, très inspirés par Patrick Buisson, étaient tous derrière Copé, si ceux de la Droite sociale, également influencés par le même Buisson, se sont rangés auprès de Fillon, les membres de la France moderne et humaniste (Luc Chatel, Jean-Pierre Raffarin, Gérard Longuet, Dominique Dord, trésorier démissionnaire…) se répartissaient entre copéistes et fillonistes. Signe d’un parti où affinités et intérêts personnels l’emportent sur les idées.

Sans foi, le scrutin a aussi mis au jour un parti sans loi. Falsification des décomptes des voix, trafic de procurations préremplies ou modifiées à l’insu des mandants, désorganisation dans certains bureaux de vote… Étalés sur la place publique, les nombreuses irrégularités imputées par le camp Fillon aux pro-Copé, comme l’utilisation abusive des moyens financiers et humains du parti au profit de la candidature du secrétaire général, la partialité des commissions de contrôle et des référents dans les départements, ou les licenciements à quelques jours du scrutin du directeur juridique et du responsable informatique (deux gêneurs), jettent une lumière crue sur les pratiques en vigueur au sein de l’UMP. Ces pratiques, acceptées jusqu’ici sans mot dire par ceux qui se plaignent aujourd’hui d’en avoir été les victimes, signent un autre fiasco de l’UMP : dans sa charte, le mouvement se fixait pour but d’enrayer « la montée [de la] méfiance à l’égard de la politique ».

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