« Une explosion des besoins »

La politique d’accompagnement que veut mettre en œuvre le gouvernement socialiste bute sur une pénurie des places d’hébergement.

Erwan Manac'h  • 8 novembre 2012 abonné·es

Les services spécialisés l’assurent, à la préfecture de police comme à la Mairie de Paris : les camps de sans-domicile qui bordent le périphérique font l’objet d’un « suivi attentif » et d’un travail « en concertation étroite » avec les associations. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il a pris une ampleur préoccupante ces dernières années, avec les effets de la crise et les installations de Roms chassés des départements limitrophes. Les services de la Ville doivent même faire face à « une explosion des besoins, y compris dans des quartiers qui n’étaient pas touchés jusqu’à présent », rapporte Gérald Briant, adjoint communiste au maire du XVIIIe arrondissement de Paris, chargé de la lutte contre les exclusions. Les policiers assurent donc une surveillance drastique pour tenter d’expulser les sans-abri dès les premières heures. « Il n’y a pas un jour sans intervention pour repousser des installations, précise Dominique Bordin, coordinateur de la mission SDF à la Ville de Paris. Sans cela, objectivement, nous serions envahis. »

Au-delà de 48 heures après l’arrivée, l’expulsion d’un camp nécessite une décision de justice. Le préfet peut prendre un arrêté de péril et ordonner une intervention s’il considère que ses occupants sont en danger. « C’est parfois le cas pour des campements installés au milieu d’un chantier, ou dont l’accès est dangereux », explique Dominique Bordin. Sinon, les procédures peuvent durer jusqu’à deux ans, notamment pour des installations qui profitent de vides juridiques, sur des terrains où des travaux doivent avoir lieu, ou des domaines inexploités de la SNCF. « Il y a des endroits où l’on ferme les yeux. Lorsque cela présente moins de risques et en fonction des activités des occupants, détaille aussi Dominique Bordin. Mais il y a un danger réel que les petits campements grossissent rapidement, et nous sommes toujours inquiets, notamment l’hiver, avec la menace d’incendie. »

Théoriquement, des solutions d’accompagnement doivent être proposées aux sans-domicile expulsés, et ce depuis la « circulaire Valls » du 26 août dernier. Mais cette rupture affichée avec la politique de fermeté du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy bute sur la pénurie de places dans les structures d’hébergement. « Depuis la crise, nous voyons une paupérisation très importante, reprend Gérald Briant. Il faut que des moyens soient engagés pour multiplier les petites structures. Il manque notamment des solutions pour les usagers de drogue.   » L’élu Front de gauche se souvient d’une opération de relogement qui avait permis, en 2008, d’accompagner en moins de six   mois la quinzaine d’occupants d’un camp niché en bord de périphérique. « Évacuer une dizaine de personnes, nous savons faire, complète Dominique Bordin, mais face à des camps de 60 ou 70 personnes, cela devient difficile. » Autour du périphérique, c’est dans le nord-est de Paris, plus populaire, que se concentre l’écrasante majorité des installations (voir notre carte en p.   22). Pour ces sans-domicile, ce secteur se révèle plus accueillant. « Il y a des marchés aux biffins et des chantiers où ils peuvent récupérer de la ferraille », analyse Dominique Bordin. C’est aussi dans cette partie que se situent les dernières zones urbaines délaissées ou en cours de réaménagement. Mais cette implantation résulte aussi d’une tolérance variable des forces de l’ordre. « Elles sont plus disponibles [dans la partie ouest du périphérique, plus chic], concède Dominique Bordin. Ce n’est pas délibéré, mais, au bout du compte, la présence de campements y est aussi moins tolérée. »

Publié dans le dossier
Le peuple du périph
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