Basse-Indre, victime collatérale

Pour les syndicats, le site de Loire-Atlantique est le grand sacrifié de l’accord avec ArcelorMittal.

Thierry Brun  • 13 décembre 2012 abonné·es

Jean-Luc Le Drenn est très remonté. Le maire divers gauche d’Indre (Loire-Atlantique), ville située dans la circonscription de l’ex-député Jean-Marc Ayrault, envisage le pire : « Si le site d’ArcelorMittal venait à disparaître, ce serait une tragédie. C’est l’avenir d’une ville qui se joue. » Les élus de la commune soutiennent les salariés en grève depuis lundi 10 décembre, et jusqu’au 14, pour protester contre le projet de transfert d’une partie de l’activité du site de Basse-Indre vers Florange (Moselle), une décision prise dans le cadre de l’accord entre le gouvernement et le numéro un mondial de l’acier. « 60 emplois en CDI seront transférés, et on doit compenser la perte d’activité », précise Frédéric Gautier, délégué syndical CGT de Basse-Indre. Quelque 550 salariés en CDI et 150 sous-traitants sont désormais inquiets pour l’avenir du site, spécialisé dans la fabrication d’acier plat pour les emballages alimentaires.

Frédéric Gautier accuse le coup : « On était loin de se douter qu’il y aurait des coupes à Basse-Indre, l’usine qui a la meilleure valeur ajoutée, la meilleure qualité et la réactivité la plus importante vis-à-vis de ses clients, notamment l’usine de Crown, à qui on livre près de 40 % de notre production. » Résultat : « Avant, on avait le problème Florange. Maintenant on a le problème Florange et Basse-Indre », résume Lionel Bellotti, secrétaire du syndicat FO du site. Pour lui, « le décapage et le laminage seront confiés à Florange, alors que les outils les plus performants en Europe sont ici. » Les syndicalistes ne sont donc pas convaincus par le Premier ministre, qui a pourtant écrit qu’ « au titre des engagements pris par ArcelorMittal figure celui de maintenir l’ensemble de ses centres industriels en France, notamment Dunkerque, Fos et Basse-Indre ». L’accord signé par Matignon a « mis en colère » Jean-Luc Le Drenn : « J’ai appris la nouvelle par la presse. Alors que nous avons inauguré il y a cinq ans le quai de l’usine, refait à neuf en bord de Loire pour accueillir des bateaux de plus grosse capacité, un investissement qu’on pensait pérenne… » Les salariés ont pour leur part découvert le contenu de l’accord le 3 décembre : « On a eu cette information par le PDG d’ArcelorMittal Atlantique et Lorraine  [Henri-Pierre Orsoni] lors de sa visite. On est tombés des nues !, raconte Frédéric Gautier. Rien ne laissait présager ce projet, un montage purement économique, sans plan industriel. » Lionel Bellotti dénonce de son côté « le manque de courage politique face à Mittal ». Élus et syndicalistes indiquent aussi que le transfert d’activité proposé par ArcelorMittal sera lourd de conséquences pour la région : « Certains sous-traitants seront contraint de supprimer la moitié de leurs effectifs. Des dizaines d’emplois sont menacés, sans compter les intérims qui ne seront pas renouvelés, prévient Frédéric Gautier. Surtout, on craint que les clients ne retrouvent pas la qualité escomptée. Demain, on sera incapables de fournir en temps et en heure le produit souhaité par notre principal client. »

Jean-Luc Le Drenn promet de ne rien lâcher, d’autant que la commune a perdu deux gros sites ces dernières années. « On n’a pas connu une telle mobilisation depuis un plan de licenciement datant d’une quinzaine d’années, se souvient Frédéric Gautier. On a tenu à organiser une grève avant le comité central d’entreprise », prévu ce jeudi, au cours duquel la CGT et FO demanderont un droit d’alerte, « ce qui permettra d’avoir un cabinet d’expertise mandaté pour étudier la faisabilité de ce projet ».

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