Des journées décisives

À la veille du référendum, le sort du pays se joue à la fois dans les urnes et dans la rue.

Denis Sieffert  • 13 décembre 2012 abonné·es

De nouveau, l’Égypte vit des journées décisives. Après la chute de Moubarak, le 11 février 2011, et la victoire électorale du leader des Frères musulmans, Mohamed Morsi, en juin dernier, le pays est entré dans une troisième phase déclenchée par la tentative du Président de s’octroyer des pouvoirs exceptionnels, aux dépens notamment de l’institution judiciaire. Mohamed Morsi a finalement dû renoncer à ses pleins pouvoirs, mais il a maintenu l’échéance du 15 décembre pour le référendum constitutionnel. Une partie de la population conteste ce calendrier, qui interdit un véritable débat sur le projet constitutionnel.

Or, ce projet pose la question de la nature politique du régime et de la conception de la société, en particulier autour du rôle de la charia comme « source d’inspiration » de la loi. Deux visions s’opposent en effet, auxquelles correspondent deux coalitions. D’un côté, les Frères musulmans et leur bras politique, le Parti de la liberté et de la justice, largement majoritaire mais contesté par les mouvements salafistes Al-Nour, Al-Assala et Al-Islah, qui demandent une application plus large de la charia. De l’autre, une coalition d’opposants autour du prix Nobel de la paix Mohamed El-Baradei, de l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa et de Hamdeen Sabahi, nationaliste de gauche et héritier revendiqué du nassérisme.

Mardi 11 décembre, les « deux Égypte » devaient se retrouver dans la rue pour deux manifestations concurrentes sous la surveillance de l’armée, à laquelle Mohamed Morsi avait demandé d’assurer l’ordre. Cela, après la mort de sept personnes dans la nuit du 5 au 6. En vérité, chacune des deux coalitions est aussi profondément divisée. Les salafistes d’Al-Nour ont d’ailleurs refusé de s’associer à la manifestation des Frères musulmans, tandis que du côté des laïques, une partie de la jeunesse redoute d’être instrumentalisée par les anciens caciques du régime Moubarak (voir reportage ci-contre). Malgré les tentatives autoritaires de Mohamed Morsi, la dynamique révolutionnaire n’est pas brisée. On la mesurera aussi au score du « non » et au taux d’abstention, si toutefois le référendum a bien lieu le 15, et dans des conditions normales. Ce qui n’est pas sûr.

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