Romanès : Malice au pays des merveilles

Aujourd’hui à Bordeaux, demain à Paris. Le cirque Romanès poursuit ses spectacles enchanteurs.

Jean-Claude Renard  • 20 décembre 2012 abonné·es

C’est l’histoire d’une tête couronnée. Élue reine par le menu peuple des Gitans. Une tête couronnée qui n’a d’yeux que pour ses chats. Son peuple a beau taquiner son intérêt, multiplier les preuves d’amour, la reine s’obstine dans l’indifférence. Tel serait le prologue de la Reine des Gitans et des chats, un spectacle imaginé par Délia et Alexandre Romanès, et surtout un canevas qui sert de prétexte à un voyage poétique dans la magie et les entrelacs du cirque. Où rien ne se passe comme on s’y attend, où les numéros s’enchaînent allégrement.

Des pièces courtes, d’une poignée de secondes, d’autres plus longues, saynètes de quelques minutes cassant la routine, les convenances. Au pur de l’épure, dans l’étonnement, la stupéfaction, l’admiration même, aux confins de l’innocence. Du mime dominé par l’absurde, un exercice d’équilibre à la roue Cyr, peu encline à rester immobile, un numéro de magicien tirant vers le comique, un jeu clownesque époustouflant autour de cinq anneaux, pêle-mêlant le corps et l’objet, une autre gaudriole de funambule sur un fil tendu. Ça domestique une barre d’acier qui s’élève à plusieurs mètres du sol, sur laquelle pieds et mains s’enroulent, ça jongle avec des balles, des boules et des ballons, des chapeaux et des quilles qui s’additionnent au fil d’un gag puisé dans l’univers du burlesque. Un chien tire sur sa laisse, mais se couche telle une bête abattue au moindre « boum », une chèvre cherche vainement un coin où brouter plutôt que ce chapiteau de cinq cents places bourré à craquer. Voilà pour les seuls animaux du cirque Romanès, portés par la boîte à malices de la troupe. Les chats ont pris la poudre d’escampette, sans doute, devant tant de facéties. Avant une démonstration de force amoureuse, mutine et langoureuse au cadre aérien. Corps déliés, élastiques. Sans filet. À couper le souffle.

Des danses encore, des mimes. À la grâce succèdent des ondulations capricieuses. Le toutim joué sur une musique tzigane entraînante, virevoltante, où rivalisent de bonne humeur trompette, saxophone, contrebasse, accordéon, guitare, violon et trombone. Tandis que Délia mène la partie chant, inspirée par l’Inde, l’Espagne ou les Balkans, Alexandre Romanès est à la baguette. Quatre-vingt-dix minutes durant. Il surveille sa troupe, coordonne, encourage, relance un numéro au saxophone, omniprésent, vigilant et bienveillant. En guise de conclusion conviviale, il égrène quelques proverbes tziganes qui laissent songeur et sourire. Comme celui-ci : « Quand tu es au fond du trou, arrête de creuser ! » C’est là du cirque sans fard. Sans costume, sans maquillage. Qui ne triche pas, s’éclaire de quelques projecteurs pour souligner quatre disciplines majeures du cirque, les exercices de funambule, de contorsionniste, de trapèze et de jonglage. Des corps alertes, bondissant, rebondissant, jaillissant à la force du poignet, acrobates espiègles, en dehors des lois de la pesanteur. Beaucoup d’imagination, une pleine bordée de sourire et d’énergie, un fagot de fantaisie.

Aujourd’hui, le cirque Romanès illumine les quais bordelais. À la rentrée, il sera de nouveau sur le pourtour parisien, pour un autre spectacle, les Lignes de la main, jusqu’au coude !, écrit par Alexandre, comme un clin d’œil à Délia, qui jadis lisait précisément dans les lignes de la main, voire plus ! Un spectacle qui entend jongler entre la musique tzigane et le flamenco, avec plus de danse, plus de chant. « C’est un mélange des genres qui se prête très bien au cirque », considère Alexandre Romanès. Sans rien enlever à la poésie, au rêve. À la simplicité d’un cirque dépourvu d’artifices.

Culture
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