À contre-courant / Le suicide de l’Europe

Jérôme Gleizes  • 14 février 2013 abonné·es

La décision des chefs d’État, vendredi 8 février à Bruxelles, de baisser et plafonner à 960 milliards d’euros le budget européen marque, au-delà de la rupture historique, une erreur politique majeure et accentuera le déclin européen. L’UE à 27 pays, premier espace économique mondial devant les États-Unis, ne va pas le rester longtemps. Le repli national est la pire des stratégies dans une période de récession généralisée. L’UE a toujours été le lieu pour faire des politiques structurelles d’investissement, des politiques régionales réduisant les inégalités intra-européennes. Elle a permis à l’Espagne, au Portugal ou à la Grèce de sortir du fascisme. Elle a permis à de nombreuses régions intra-européennes d’améliorer leur productivité. À un moment où la crise écologique nécessite de changer de modèle productif, d’assurer la transition énergétique, de préserver la biodiversité pour faire face à la sixième extinction massive des espèces, les gouvernements européens imposent l’austérité à leur pays et à l’UE. Loin de sortir l’Europe de la crise, ils vont l’enfoncer davantage et faire le lit de la droite autoritaire.

Il est loin le temps où François Hollande évoquait une relance de 120   milliards d’euros pour défendre l’adoption en France du TSCG. Aujourd’hui, il se satisfait d’avoir maintenu la part française de la PAC alors qu’il faudrait changer de logique agricole, arrêter de subventionner les grandes exploitations, sortir du productivisme pour défendre une agriculture soucieuse de la chimie et de la biologie des sols, privilégier la qualité des produits plutôt que la quantité. Avec moins de 1   % de la richesse produite, le budget européen ne va pas contrebalancer les différents budgets nationaux, d’autant qu’il anticipe l’entrée d’un vingt-huitième pays, la Croatie. La crise économique va s’amplifier. Douze pays européens sont déjà en récession en 2012. Depuis 2005, la Grèce a perdu 22,4   % de sa richesse produite. Les taux de chômage explosent dans de nombreux pays, y compris quand il y a de la croissance. « La croissance intelligente et inclusive », nouveau concept théorique à la mode, sert à financer les projets inutiles, comme le réacteur nucléaire Iter.

La date du 8 février 2013 marquera-t-elle le début du démantèlement de la construction européenne commencée par le Congrès de La Haye du 7 mai 1948 ? La Commission européenne a politiquement sombré. Alors qu’elle doit défendre devant les États sa proposition de loi de programmation budgétaire 2014-2020, l’acte le plus important de la législature, son président, José Manuel Barroso, a laissé les États privilégier leurs intérêts égoïstes. Les quatre principaux groupes du Parlement européen menacent de ne pas ratifier ce budget. Une crise institutionnelle s’ouvre. Aujourd’hui, la crise européenne n’est pas la faute de son Parlement mais du Conseil européen. Elle ne provient pas du fédéralisme européen, au contraire trop faible, mais des intérêts égoïstes des États-nations, qui, derrière l’Europe, cachent leurs propres turpitudes.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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