Des couples plongés dans le noir

Une série de courtes pièces de Joël Pommerat. Brillant mais un brin convenu.

Gilles Costaz  • 14 février 2013 abonné·es

Pour beaucoup, Joël Pommerat est le grand homme de théâtre français de ces quinze dernières années. Depuis les Marchands, Cercle/Fictions, Ma chambre froide, toutes ses œuvres suscitent l’enthousiasme, et il est l’un des rares artistes que les services officiels envoient représenter la France à l’étranger. Peter Brook l’avait désigné comme son successeur aux Bouffes du Nord mais, comme cela ne s’est pas fait, Luc Bondy l’a pris sous son aile à l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Pommerat reste le nouveau soleil du théâtre nouveau !

Voici son nouveau spectacle aux Ateliers Berthier : la Réunification des deux Corées. La salle est divisée en deux chutes de gradins autour d’une allée étroite. Sur ce passage surgissent, dans le noir de la nuit ou le gris de fumées, des acteurs et des objets. Il n’y a pas une pièce, mais une série de petites pièces. Une épouse demande le divorce après vingt ans de mariage sans nuages. Un homme se retrouve avec les trois sœurs qu’il a successivement aimées. Un autre tente de se dégager d’une liaison coûteuse qu’il entretient depuis longtemps. Deux voisins, un homme et une femme, attendent ensemble le retour de leur conjoint… Ce sont les soldes de l’amour ! La façon dont les personnages sortent des ténèbres et les regagnent est tout à fait épatante. Les acteurs de Pommerat, tous des fidèles de sa compagnie (une équipe appelée Louis Brouillard), sont étonnants, sachant se transformer dans l’obscurité et à toute vitesse. Mais les textes sont-ils d’un grand auteur ? On y sent l’influence de Pinter, Sarraute, Reza. Ce sont de bonnes références, sauf que parfois la scène est à peine écrite, ou bien mise en place de façon si évidente qu’elle est prévisible.

L’originalité de Joël Pommerat, c’est de combiner une certaine cruauté du théâtre de langage (c’est fichtrement cruel, il ne croit plus du tout à l’amour !) avec une forme de spectaculaire inhabituelle pour ce registre. C’est du froid dans du show. Quelle habileté ! Mais loin des sommets où il est devenu banal de surélever Pommerat.

Théâtre
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