Ayrault en procédure accélérée

Le gouvernement veut transcrire « très vite » l’accord national interprofessionnel du 11 janvier. De crainte que la contestation de « l’accord de la honte » ne gagne sa majorité.

Michel Soudais  • 14 mars 2013 abonné·es

Vote et tais-toi. C’est un peu ce qu’attend le gouvernement des parlementaires de sa majorité, pour adopter « très vite » la transcription législative de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier sur la flexibilité et la sécurisation de l’emploi. Le projet de loi adopté en Conseil des ministres le 6 mars sera présenté en procédure accélérée (une lecture par assemblée) le 2 avril à l’Assemblée nationale et le 17 avril au Sénat. Jean-Marc Ayrault a lui-même justifié, depuis la cour de l’Élysée, le recours à cette procédure, arguant que le texte du gouvernement était la traduction du « premier accord de cette importance depuis trente ans ».

L’argument du gouvernement est simple : le projet de loi ne fait que transcrire un « compromis » obtenu à l’issue d’une « négociation », il n’y a pas lieu de relancer la discussion sur son objet. « Aujourd’hui, c’est le succès d’une méthode, celle du dialogue social », claironne le Premier ministre. Son entourage rappelle d’ailleurs « l’engagement » de François Hollande de rompre avec la méthode de Nicolas Sarkozy, accusé de passer outre l’avis des partenaires sociaux. Histoire d’avertir les députés sur l’étroitesse de leur marge de manœuvre. Ils peuvent « améliorer les choses mais certainement pas pour écrire le contraire de ce qu’il y a dans l’accord ». Deux autres raisons expliquent l’empressement du gouvernement. L’une, juridique, a été dévoilée par le Canard enchaîné le jour même où le Conseil des ministres validait le projet de loi. Selon l’hebdomadaire satirique, les chiffres de représentativité syndicale que le ministère du Travail doit rendre publics le 29 mars (mais que ses fonctionnaires ont déjà sous le coude) montrent que les partenaires sociaux sont très loin d’être majoritaires. Ils ne répondraient pas aux critères de la loi Fillon de 2008 exigeant que les syndicats signataires représentent au moins 30 % des salariés, et les opposants moins de 50 %. D’où l’urgence de transformer ce texte contestable en loi. L’autre raison est politique. Il s’agit de couper court à la montée d’un mouvement contestataire. Les manifestations organisées le 5 mars, à l’appel de la CGT et de FO, auxquels s’étaient joints Solidaires et la FSU, n’ont pas rassemblé plus de 200 000 personnes. Néanmoins, sans être un succès, cette journée d’action, soutenue par le Front de gauche, a permis de lancer le débat dans les médias sur le contenu de « l’accord de la honte », comme le qualifient ses opposants. Non seulement leurs arguments – possibilité pour les employeurs de baisser les salaires ou d’augmenter le temps de travail en période de vaches maigres, délais de recours réduits pour les licenciés… – ont commencé à être entendus, mais les prises de positions de plusieurs leaders de la droite en faveur du texte du gouvernement les renforcent assez logiquement.

Quand l’UDI de Jean-Louis Borloo et nombre de parlementaires UMP, comme les anciens Premiers ministres Jean-Pierre Raffarin et François Fillon ou le député filloniste Jérôme Chartier, se disent prêts à voter le texte que leur présente le gouvernement, quand la présidente du Medef, Laurence Parisot, appelle les parlementaires de la majorité et de l’opposition à adopter le projet de loi sans en modifier l’équilibre, l’électeur de gauche s’interroge. Et commence à douter. Ce que tend à confirmer un sondage BVA pour iTélé publié le 8 mars. Dans cette étude d’opinion, les sympathisants de gauche étaient beaucoup moins nombreux que les sympathisants de droite à trouver qu’il s’agissait d’un bon accord (54 % contre 70 %). Si la contestation semble circonscrite à la gauche radicale – 75 % de ses sympathisants jugent l’accord mauvais –, le gouvernement craint qu’à la faveur de débats trop poussés elle ne gagne les rangs socialistes. Le 3 mars, 100 de ses parlementaires publiaient dans le Journal du dimanche un appel à voter le projet du gouvernement (sans en discuter le contenu) pour conforter le dialogue social. Le 5 mars, il n’y avait que deux députés (Jérôme Guedj et Pascal Cherki) et une sénatrice (Marie-Noëlle Lienemann) dans les élus de la gauche du PS venus saluer le départ de la manifestation. Même si une dizaine d’autres entendent aussi amender le texte sur la mobilité interne ou les accords de maintien dans l’emploi, Jean-Marc Ayrault pouvait, dans la cour de l’Élysée, tranquillement relativiser leur présence. Et rappeler que les députés socialistes « sont près de trois cents ».

Politique
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