Le Parti de gauche ose la radicalité

Le parti de Jean-Luc Mélenchon revendique son autonomie en s’ancrant dans l’opposition à François Hollande. Avec un objectif : « Prendre le pouvoir. »

Michel Soudais  • 28 mars 2013 abonné·es

Le slogan rappelle la campagne présidentielle. Mais ce « on lâche rien ! », inscrit à la tribune et sur les cartons de vote des congressistes du Parti de gauche le week-end dernier à Bordeaux, claque désormais comme un défi lancé à François Hollande et au gouvernement. « La période d’essai est terminée », a prévenu Jean-Luc Mélenchon en clôture. Signe de cette radicalisation, les initiales du PS ne renvoient plus dans le discours de Jean-Luc Mélenchon qu’au « parti solférinien ». Un parti avec lequel le PG s’estime plus que jamais « en compétition » pour proposer son projet.

Antisémite Mélenchon ? Les dirigeants du PS, promptement relayés par quelques journalistes vedettes, l’ont laissé entendre en se fondant sur une mauvaise retranscription de propos tenus par le coprésident du PG lors d’un point de presse samedi. Jean-Luc Mélenchon s’en était pris à Pierre Moscovici pour son rôle dans la réunion de l’Eurogroupe qui avait décidé de frapper les Chypriotes sur leurs dépôts bancaires, comme l’atteste l’enregistrement publié sur Politis.fr : « Il s’est pris pour un petit intelligent, économique, vachement responsable, qu’a fait des études à l’ENA, qui sait comment on doit organiser la rectification des comptes d’une nation » alors qu’il aurait dû dire « pas question, je refuse, je ne suis pas d’accord » . M. Mélenchon s’est ensuite demandé « comment le même homme demain » pourrait empêcher qu’on impose un même traitement à la France. Pour estimer « irresponsable » son « comportement ». « C’est un comportement de quelqu’un qui ne pense plus en français… qui pense dans la langue de la finance internationale » , a-t-il conclu. Ce sont donc bien des actes politiques qu’incrimine M. Mélenchon. Et toute autre interprétation relève d’un procès en sorcellerie.

La veille, François Delapierre avait invité les 12 000 militants du PG à « combattre la thèse assénée par le système médiatique selon laquelle la gauche serait au pouvoir ». « Ceux qui s’en réclament depuis la rue de Solférino, juge-t-il, ce n’est pas la gauche du partage, de la souveraineté populaire. » En cause, l’accord national interprofessionnel, « l’accord Medef », que le gouvernement veut transcrire dans la loi. Mais aussi l’approbation du TSCG, du «  two packs  » et de « tous les dispositifs austéritaires qui veulent retirer aux parlements leurs souverainetés budgétaires ». Ou bien encore l’acte III de la décentralisation qui va « confier les arbitrages à des baronnies locales ». Convaincu que le projet du gouvernement « ne marche pas », le congrès du PG a adopté à la quasi-unanimité (92,5 % sur 719 votants) une plateforme qui affirme son « ambition gouvernementale ». Intitulé « Osons ! », en référence à Saint-Just –  « Ce mot renferme toute notre révolution »  –, ce texte veut notamment en finir avec l’euro fort de la BCE, y compris par des mesures unilatérales, mettre en œuvre un protectionnisme solidaire, renverser l’oligarchie, instaurer une VIe République, et porter haut l’écosocialisme. En conséquence de cette ligne, et par souci de ne pas créer de confusion deux mois avant des élections européennes dont il fait un « enjeu central », le PG veut aller aux municipales de 2014 sans le PS au 1er tour. Après un long débat, les congressistes ont rejeté un amendement qui aurait interdit de participer à « des listes dirigées par des partis qui soutiennent le gouvernement Ayrault ». Tout en favorisant des « listes autonomes », la formulation, retenue par 541 voix contre 132, laisse la porte ouverte à des unions ne soutenant pas le gouvernement. Sans attendre, le PG a dévoilé dimanche une liste de 60 villes grandes et moyennes – dont Paris, Lyon, Marseille, et 17 des 21 capitales régionales – où, avec des partenaires, de telles listes autonomes seront présentes. Une manière de faire pression sur le PCF, davantage préoccupé par le maintien de son réseau d’élus.

Afin de se dissocier du PS, dont il est persuadé que la politique conduit le pays et la gauche « à la catastrophe », le PG a également opté pour un durcissement de son discours. Quitte à susciter de violentes réactions des socialistes. Comme après que François Delapierre eût qualifié de « salopard » Pierre Moscovici, pour son rôle dans l’Eurogroupe dans la crise chypriote. « On ne veut pas laisser le FN être le seul à parler fort », explicite Martine Billard, coprésidente du PG. En parlant « cru et dru », en utilisant des « mots qui claquent », on « crée du conflit et de la conscience », s’est justifié dimanche Jean-Luc Mélenchon, revendiquant être « le tribun du peuple ». La veille, au cours d’un point de presse, il avait confié : « La situation se tend, on accompagne le mouvement. »

Politique
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