Relativismons

Sébastien Fontenelle  • 21 mars 2013 abonné·es

La semaine dernière, s’il t’en souvient : le chef Sieffert –  El Jefe, comme on dirait à Caracas, où l’on a le goût de ces évocatifs sobriquets – écrivit, pour conclure son édito, qu’  « on ne » pouvait « tirer le bilan des années Chávez sans évoquer » les « amitiés internationales » qui l’avaient notamment porté vers des mecs très (très) moyennement aimables, « de Bachar Al-Assad à Kadhafi en passant par Ahmadinejad ». Et cette assertion eljefe sque n’était certes pas fausse [^2].

Mais d’un autre côté, si nous regardons bien ce qui se passe dans le vaste mais flippant monde que nous ont légué nos devanciers [^3] : nous remarquerons assez vite que la fréquentation de pénibles potentats n’est pas (du tout) une spécialité chaviste, et nous serons par conséquent pri(se)s de l’envie, point totalement illégitime, de faire un peu de relativisme… …Et de relever, par exemple, que ce n’est pas du tout dans la cour de la présidence du Venezuela que feu Kadhafi a planté naguère sa tente – mais dans celle de l’Élysée, où Sarkozy le reçut avec de prévenants égards (et après avoir tancé, si mes souvenirs sont bons, la secrétaire d’État aux Droits de l’homme qui s’était émue de cette avenance). Ou que, plus récemment : ce n’est pas du tout un ministre latino-américain du Redressement productif qui est allé au mois de janvier dernier à Ryad (Arabie Saoudite) pour y prodiguer de lécheuses gracieusetés aux mêmes autorités gouvernementales, pétries d’us et coutumes que des esprits un peu taquins pourraient presque regarder comme un rien rétrogrades, qui venaient juste, quelques jours plus tôt, de faire procéder à la décapitation d’une jeune Sri-Lankaise, mais bien « notre [^4] » inénarrable Arnaud Montebourg [^5], mandaté par Françoizollande.

D’où se déduit que les gars qui se suivent (et se ressemblent) à l’Élysée, même s’ils mettent des fois, et en toute cautèle, moins d’exubérance dans ces real- politiques, ne sont absolument pas moins compromis dans la fréquentation de régimes obscènes que ne le fut de son vivant Chávez. (Quand bien même ces burlesques mecs, en dépit de l’évidente évidence qu’ils ne sont pas de gauche, se proclameraient « socialistes », comme fait celui pour qui, en mai, tu votas si sottement.) Alors moi, s’il te plaît : je voudrais que dès à présent nous fassions des nœuds à nos mouchoirs, pour ne pas oublier, quand nous devrons tirer le bilan (assurément tétanisant) des années Zollande, d’évoquer, parmi d’autres hauts faits, le zèle d’Arnaud M. au moment de flatter la monarchie saoudique.

[^2]: Soit dit sans flagorner, merde alors, ferait beau voir, Simone.

[^3]: Nous ne te remercions pas, Guy Mollet.

[^4]: Façon de parler…

[^5]: Dont chaque déclaration me fait quant à moi partir d’un rire mélangé de beaucoup de jaune – mais nous y reviendrons si tu veux bien nautre jour.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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