Salles de shoot : vers la fin du retard français ?

Un ouvrage explique l’intérêt de ces espaces de consommation de drogues, après des années de répression inefficace.

Olivier Doubre  • 28 mars 2013 abonné·es

On sait combien les questions liées à l’usage de drogues sont sujettes aux incompréhensions ou aux fantasmes en tout genre. Voici donc un livre qui s’emploie, dans un style simple et sans jargon de spécialistes, à déjouer les clichés. À expliquer l’utilité – et l’urgence de l’ouverture en France – de ce « maillon d’un dispositif plus vaste de services » aux usagers de drogues que constituent les « salles de consommation à moindre risque » (SCMR). Une appellation officielle couramment réduite (notamment par les usagers eux-mêmes) à celle de « salles de shoot », bien qu’il s’agisse d’un « terme très restrictif et simplificateur », comme le soulignent d’emblée Pierre Chappard, président d’Act Up-Paris de 2009 à 2011, aujourd’hui coordinateur du Réseau français de réduction des risques, et Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et président de la Fédération Addiction [^2].

Si le terme est réducteur, c’est « aussi parce que les SCMR sont d’abord des lieux d’accueil et de création de lien social ». Les deux auteurs ont néanmoins accepté que leur éditeur utilise cette formule afin que le livre « rencontre plus facilement son public, qui ne connaît souvent que ce terme », et surtout avec « l’espoir que sa lecture permette au lecteur de dépasser le cliché » … Le volume retrace le difficile débat, en France, autour des salles de consommation. Il montre tout d’abord l’ineptie de la politique hexagonale, parmi les plus répressives d’Europe depuis l’adoption de la loi de 1970, avec sa guerre à la drogue (et aux drogués), exacerbée à partir de   2002 avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur. Ces « sept années d’hiver », comme les qualifiait en   2009 la sociologue Anne Coppel, l’une des pionnières de la politique de réduction des risques (RdR) en France, qui se sont poursuivies jusqu’en 2012. Mais les auteurs reviennent surtout sur la mobilisation, depuis plus de dix ans, pour parfaire la palette des outils de réduction des risques dont manque cruellement le pays. Au premier rang desquels les salles de consommation, qui ont enfin reçu le feu vert, fin   2012, de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, pour une expérimentation prochaine.

Un précieux ouvrage qui retrace la généalogie de la création de certaines des 92 SMCR existantes à travers le monde, en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Canada, depuis parfois plus de vingt ans. À Vancouver, une étude publiée en 2011 dans la prestigieuse revue scientifique The Lancet montrait que la SCMR de la ville avait permis de réduire de 35 % les overdoses mortelles dans le quartier « chaud » autour de la salle, et fait croître de 30 % les demandes de sevrage… Il est donc grand temps que la France s’y mette.

[^2]: La Fédération Addiction regroupe les intervenants et médecins addictologues travaillant auprès des usagers de drogues.

Idées
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