Sur François …

… l’autre, et tutti quanti.

Bernard Langlois  • 14 mars 2013
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La parole (virtuelle) m’étant rendue, avec mon Mac réparé , une petite séance de rattrapage s’impose pour mes fidèles lecteurs. D’autant que l’actualité est riche, en cette fin d’un hiver qui se refuse à décrocher.

« Nous n’avons pas de candidat » , avait plaisanté notre François à nous, avant l’ouverture du conclave.

Est-ce si sûr ? Le chanoine du Latran n’aurait-il pas négocié en douce avec les pontes de la Curie (où nous avons quelques entrées) pour que soit élu un prélat dont il savait, d’avance, qu’il choisirait de s’appeler comme lui, en une sorte d’hommage secret ? Quelle satisfaction symbolique pour la fille aînée de l’Eglise de voir sa maman choisir pour Chef un François, comme se prénomme son papa …

Las ! Juste au moment où plus personne ne l’appelle que Pépère. Caramba, encore raté !

Trêve de plaisanterie.

L’élection de l’archevêque de Buenos Aires a pris tout le monde de surprise, à commencer par les experts vaticanesques omni-présents sur ondes et antennes. A l’écoute du direct, on aurait dit du Vassiliu : « Qu’est-ce qui veut, qu’est-ce qu’il a, qui c’est celui-là … »

Puis on s’est repris, on a retrouvé les bonnes fiches, constaté que, loin d’être inconnu, ce Bergoglio avait déjà failli être pape la dernière fois, se désistant au dernier scrutin pour Ratzinger, assurant ainsi la victoire de ce dernier . Modestie et crainte de ne pas être à la hauteur, ou constat qu’il ne progresserait plus jusqu’ au score nécessaire ? L’une et l’autre thèses circulent, allez savoir …

Puis on s’extasia, à juste titre, sur les caractéristiques du bonhomme, qui en présente plusieurs d’inédites : d’abord d’être un sud-américain, le premier dans l’Histoire qui accède à cette haute charge (c’est même le premier non-européen) , ensuite d’être un jésuite (même chose : une première), enfin d’être un disciple du « Poverello » (le grand François d’Assise), comme en témoigne le choix de son nom de pontife (là aussi, une première).


Illustration - Sur François …


Représentation de François d’Assise sur une fresque de Cimabue dans la basilique d’Assise, considérée comme son portrait le plus fidèle (Wikipedia).

Chacun pensa donc (moi le premier) que cet homme « simple, proche des pauvres, fréquentant les bidonvilles plus volontiers que les palaces » , tout ça …) était de cette tendance de l’Eglise qu’on appelait autrefois « la théologie de la Libération » , qui prônait un retour aux valeurs de l’Evangile et « l’option préférentielle des pauvres » dans ses « communautés ecclésiales de base » qui fleurissaient dans les années soixante-dix, particulièrement sur le continent latino-américain. Une tendance qui s’incarna en quelques hautes figures, dont la plus prestigieuse fut Don Helder Camara, évêque brésilien, et la plus sulfureuse, Camillo Torres, prêtre colombien, mais tourné guérillero et mort les armes à la main … Sans parler de ces trois ministres, qui l’étaient à double titre : prêtres et … membres du gouvernement sandiniste du Nicaragua (on se souvient de Jean-Paul II les grondant sur le tarmac de Managua).

Le nouveau pape, si simple, si proche des pauvres, tout ça , était-il de cette famille emblématique, durement crossée par les deux derniers pontifes pour s’être un peu trop frottée au marxisme ? Et si oui, de quelle tendance, plutôt Camara ou plutôt Torres ?

Illustration - Sur François …


Heureusement que juché sur la cheminée de la Sixtine, l’Esprit ne cessa de veiller …

C’était sans doute rêver tout debout et oublier que cet ami des pauvres l’était aussi des papes sortants, et qu’il avait pris sa part de la remise au pas d’un Eglise latino [^2] qui, au goût de la Curie, marchait un peu trop hors des clous … Comment penser que la-dite Curie, après avoir péniblement éradiqué cette subversion évangélique si dérangeante au regard de ses pompes, ses œuvres, ses vaticanes pratiques, prendrait aujourd’hui le risque de la remettre en selle en désignant un pape de son bord ?

Non. D’évidence, l’évêque de Buenos Aires, devenu celui de Rome, n’appartient pas à l’aile progressiste de l’Eglise. Il paraît même qu’il s’oppose au gouvernement argentin de Cristina Fernández de Kirchner, qu’il trouve nettement trop à gauche …

Qu’aurait-il dit de Chavez, ami des pauvres de son pays lui aussi, et qui a incontestablement bien amélioré leur sort ?

Décidément, en cette semaine où j’étais sans voix (virtuelle), il s’en est passé des choses ; et incontestablement, l’Amérique latine est tendance !

[^2]: On dit même (il le dément) qu’il aurait quelques casseroles accrochées à la soutane du temps de la dictature Videla …

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