Financer la transition écologique

Jean-Marie Harribey  • 11 avril 2013 abonné·es

L’ancien ministre du Budget a menti, mais pas seulement au sujet de ses comptes bancaires planqués. Il a aussi menti en affirmant que le gouvernement a déjà mené à bien la réforme fiscale promise. Personne n’est dupe. La perspective d’une vraie réforme du gouvernement en matière fiscale s’éloigne aussi vite que celle concernant les banques, tandis que les choses vont pour le mieux pour le patronat en matière de flexibilité du travail et d’aide à la compétitivité. Le chantier de la fiscalité est pourtant immense en termes de progressivité de l’impôt sur le revenu et de fiscalité écologique, laissée en jachère. Le gouvernement implore la croissance, mais il tergiverse pour amorcer une transition écologique, notamment énergétique. Plus le temps passe, plus les efforts à fournir seront douloureux.

On estime à 3 % du PIB par an, pendant au moins dix ans, en France et à l’échelle européenne, les investissements à réaliser pour commencer à transformer les systèmes énergétiques, modifier les infrastructures de transports, isoler et rénover les bâtiments et logements. Cela représente environ 60 milliards d’euros annuels en France et entre 350 et 400 milliards pour l’UE. Où trouver cet argent dans un contexte de crise économique et de dettes publiques très élevées ? Il ne faut pas compter sur le secteur privé pour financer l’essentiel de la transition car il jugera la rentabilité trop faible et trop lointaine. D’ailleurs, le marché du carbone européen démontre qu’il a toutes les qualités pour devenir spéculatif et aucune pour financer la régulation climatique. Trois voies doivent être explorées simultanément.

La première consiste, d’une part, à tarir les sources de déficits publics que constituent les allégements fiscaux pour les classes sociales riches et les grandes entreprises et, d’autre part, à mettre en place une fiscalité écologique. Les pistes ne manquent pas : disparition progressive de l’écart entre les taxations des carburants, taxe au kilomètre parcouru par les marchandises, taxation de la tonne de carbone pour sortir du piège du prix de 6 euros sur le marché et tendre rapidement vers au moins 30 euros la tonne. La deuxième voie est de reprendre le contrôle de la création monétaire. Cela signifie que la Banque centrale européenne et, à défaut, chaque banque centrale nationale garantissent toutes les dettes publiques, et qu’elles sont de nouveau autorisées à financer directement les États, dont les investissements d’avenir doivent être exclus du calcul des déficits autorisés. À ce sujet, macroéconomiquement, un investissement net implique une création monétaire ; l’important est de savoir à quoi elle est destinée et par qui elle est faite. Elle ne présente pas de risque si elle est utilisée pour créer de la vraie valeur économique utile et des revenus, l’épargne s’ajustant ensuite à hauteur de l’investissement. La troisième voie revient à mener à bien la mise au pas de la sphère financière en brisant tous les mécanismes de spéculation : produits dérivés, titrisation, marchés à terme, ventes à découvert, paradis fiscaux… Sans cela, les deux premiers objectifs seraient difficiles à atteindre.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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