Homophobie décomplexée

Des violences verbales et physiques qu’on croyait d’un autre temps se sont multipliées ces dernières semaines.

Olivier Doubre  • 25 avril 2013 abonné·es

Le 31 janvier 1999, parmi les nombreux slogans nauséabonds de la manifestation contre le Pacs organisée à l’appel de Christine Boutin, un appel teinté d’une très douteuse référence moyenâgeuse reste dans les mémoires : « Les pédés au bûcher ! » À l’arrivée place du Trocadéro, les militants d’Act Up-Paris, malgré les invectives, les coups et les crachats, parviennent à dérouler sur la façade du Théâtre national de Chaillot une longue banderole noire avec un seul mot à l’adresse des manifestants : « homophobes »  ! Les propos insultants et les allusions scabreuses s’étaient en effet multipliés à droite, au Parlement et ailleurs, au cours des semaines précédentes. Toutefois, une fois le Pacs adopté, la tension retombe assez vite et les dérapages en public, notamment chez les élus, se font plus rares au cours des années suivantes.

Cette homophobie semble aujourd’hui avoir été comme l’eau qui dort. La tempête, entre insultes, violences et appels aux discriminations, souffle à nouveau. Et cette fois de façon bien plus vigoureuse que lors du débat sur le Pacs. À tel point qu’une homophobie – comme une certaine droite – « décomplexée » pullule sur les bancs du Parlement, sur Internet et dans les médias. Emmenée par l’extrême droite au départ, elle contamine largement les discours de la droite parlementaire par le biais d’une étrange conception de la protection de l’enfance, totalement hors de propos. Ainsi, le 18 avril, le député UMP Philippe Cochet a accusé la gauche, en votant le mariage pour tous, de s’apprêter à… « assassiner des enfants ». Les multiples déclarations délirantes sur « le danger pour les enfants » que constitueraient le mariage et l’adoption ouverts aux couples de même sexe sont la principale expression de cette homophobie. Outre le fantasme d’un puissant « lobby gay » qui aurait acquis une influence démesurée, il demeure que cette surenchère homophobe ne connaît plus de retenue depuis des semaines, voire des mois. Avec son cortège de violences et d’agressions physiques d’une extrême gravité, comme on l’a vu à Paris, à Lille, à Bordeaux et ailleurs. L’égérie papiste des manifestations contre le mariage pour tous, Frigide Barjot, n’avait-elle pas promis « du sang »  ? La ligne d’écoute de l’association SOS Homophobie connaît en tout cas ces derniers mois une explosion du nombre de témoignages d’agressions et d’insultes homophobes. Et l’association Le Refuge, qui accueille et héberge les jeunes homosexuel(le) s en rupture, a vu croître au cours des dernières semaines les demandes, passées de 150 à plus de 400 par mois… Un climat plus qu’inquiétant.

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L'inquiétante dérive de la droite
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