La Défense nationale vendue à Microsoft

Les partisans du logiciel libre dénoncent les coûts et les périls d’un contrat liant le ministère au géant américain.

Julien Covello  • 25 avril 2013 abonné·es

Le ministère de la Défense s’apprête à « capituler » [^2] face à Microsoft. En mai prochain, la Direction interarmées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information devrait, selon le Canard enchaîné et le site d’information PC INpact, reconduire un contrat-cadre de 2009 la liant au géant américain du logiciel. Un contrat de gré à gré, et sans appel d’offres, passé qui plus est avec la filiale irlandaise du groupe, ajoutant le scandale fiscal à l’erreur stratégique.

Ce protocole, qualifié d’ «   open bar » car autorisant les fonctionnaires à se servir dans le catalogue de la firme, est dénoncé depuis 2009, notamment par l’Association française de promotion des logiciels libres (April), qui pointe l’absence de chiffrage global et surtout les risques en termes de sécurité ^3. Selon PC INpact, le coût serait d’environ 100 euros hors taxes par poste de travail (pour près de 200 000 postes concernés). Mais, comme l’explique Jeanne Tadeusz, responsable des affaires publiques de l’April, « on ne prend en compte que le coût initial. Le coût de sortie n’est jamais évalué ». Car ce montant ne comprend qu’un droit d’utilisation des logiciels pour la durée du contrat, au terme de laquelle il faudra soit acheter les licences, soit dédommager Bill Gates. Or, comme le notait la Commission des marchés publics de l’État, dans un avis rendu public le 15 février par PC INpact ^4, « les utilisateurs rechignent généralement à modifier leurs habitudes ». Mais la principale réserve concerne la sécurité. L’April souligne que « la NSA  [l’Agence de sécurité nationale américaine, NDLR] oblige Microsoft à incorporer des portes dérobées à ses logiciels », des fonctionnalités cachées qui permettent d’accéder à distance aux ordinateurs utilisant ces produits. L’association prévient que les logiciels propriétaires sont des « boîtes noires » dont personne ne sait ce qu’elles renferment.

Au contraire, les logiciels libres sont réputés pour leur fiabilité et leur sécurité, puisque tout le monde peut vérifier que le code source ne fait pas autre chose que ce qu’on lui demande, et que les failles éventuelles sont corrigées plus rapidement grâce à la mutualisation. Pour preuve, Jeanne Tadeusz note que la gendarmerie nationale est « en train de terminer avec succès sa migration vers le tout-logiciel libre, y compris pour les logiciels spécialisés », et rappelle que la promotion des logiciels libres dans les administrations faisait partie des engagements du gouvernement Ayrault, qui, il est vrai, n’en est plus à une « capitulation » près.

[^2]: Selon l’expression du Canard enchaîné du 17 avril.

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