«Le Joli Mai» : d’hier et d’aujourd’hui

*Le Joli Mai* , film rare de Chris Marker et Pierre Lhomme, ressort sur les écrans.

Christophe Kantcheff  • 29 mai 2013 abonné·es

Le Joli Mai est un film rare de Chris Marker et Pierre Lhomme, parce que longtemps resté en mauvais état. Restauré, il a été montré pendant le Festival de Cannes et sort cette semaine en salle. « Joli », ce mois de mai, car il arrive après les accords d’Évian. C’est, en 1962, « le premier printemps de la paix », dit Yves Montand, qui lit le texte en voix off écrit par Chris Marker.

Les cinéastes vont prendre le pouls du monde en filmant Paris et des Parisiens. On est en pleine reconstruction. Des cités HLM sortent de terre alors que beaucoup de gens, dans la périphérie de la capitale, vivent encore dans des lieux insalubres ou ridiculement petits. Les bouleversements de la ville parlent des temps qui se préparent. Chris Marker laisse transparaître ses interrogations : « Une menace pèse sur Paris […]. On ne sait pas si, dans les grands ensembles, il y a place pour le bonheur… » La première partie du film s’intitule : « Prière sur la tour Eiffel ». Mais Chris Marker et Pierre Lhomme n’ont pas de réponse, surtout des questions. Ils vont dans les rues, font parler. Des interviews, sans doute un peu préparées, mais comme à la volée, au fil de l’esprit, libres. Aucune coupe au montage dans l’écoute de cette parole : un tailleur, deux garçons commis à la Bourse… Les mots sont parfois pauvres, ils disent beaucoup : des craintes, des espoirs, des contradictions. « Se sentir solidaires des autres ? Non, pas vraiment », dit un jeune couple d’amoureux.

Dans la deuxième partie –  « le retour de Fantomas »  –, l’Histoire se fait plus présente. Les contrecoups de la guerre d’Algérie, Charonne, le procès Salan. Et le record du monde de twist. Le film continue à respirer. Pourtant, il y a les grèves, le prix des pommes de terre qui n’a cessé de monter… Au cours d’entretiens plus installés, un étudiant du Dahomey dit qu’il n’y a pas d’amitié possible avec un Blanc. Un prêtre-ouvrier reconnaît ne plus avoir le temps de s’occuper de Dieu. Un ouvrier algérien a subi le racisme d’un travailleur. Le Joli Mai est un superbe film rayonnant et inquiet. Chris Marker et Pierre Lhomme enregistraient leur vibrant aujourd’hui, devenu pour nous archive. Pourtant, ce « très loin » est aussi « tout près ». Combien de similitudes troublantes, de questions restées les mêmes… Même ce dernier détail fait sourire : en ce mois de mai 1962, la température moyenne a été de 12,5 °C !

Cinéma
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