Le lien entre santé et travail mis en cause par les employeurs

L’association Santé et médecine du travail a lancé une pétition d’alerte et de soutien à trois médecins du travail poursuivis par le conseil de l’Ordre des médecins à la suite de plaintes d’entreprises. Motif ? Ces médecins ont rédigé des certificats médicaux et des courriers…

Thierry Brun  • 6 mai 2013
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Le lien entre santé et travail mis en cause par les employeurs

La procédure judiciaire engagée à la suite de plaintes d’entreprises met trois médecins du travail, Elisabeth Delpuech, Dominique Huez et Bernadette Berneron, au cœur d’un important enjeu de santé publique. C’est la raison pour laquelle l’association « Santé et médecine du travail » (SMT) a lancé une pétition d’alerte et de soutien « pour permettre aux médecins du travail d’attester d’un lien de causalité entre le travail et l’atteinte à la santé » (signez la pétition ici). Le syndicat national CGT des médecins du travail des mines et des industries électriques et gazières (SMTIEG) ainsi que l’association d’aide aux victimes et aux organisations, confrontées aux suicides et dépressions professionnels (ASD-Pro) ont apporté leur soutien aux médecins.

EDF et Orys, filiale du groupe Ortec , un des leaders des services à l’industrie, et entreprise sous-traitante d’EDF, ont contesté dans leurs plaintes la rédaction de certificats médicaux et de courriers par ces trois médecins du travail. La raison de ces plaintes est que les certificats et courriers attestent d’un lien entre l’état de santé de salariés et leur situation professionnelle.
Les plaintes ont été déposées devant le conseil de l’Ordre des médecins d’Indre-et-Loire , une procédure inhabituelle : les employeurs ont choisi une juridiction professionnelle pour obtenir une sanction contre des praticiens « dont ils estiment la pratique contraire à leurs intérêts » , réagit Michel Hamon, médecin responsable du contentieux du syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), lequel demande au conseil de ne pas donner suite à la plainte déposée contre Dominique Huez.

L’Ordre des médecins a cependant décidé d’agir rapidement, les trois médecins étant convoqués pour des sanctions.

  • Elisabeth Delpuech , médecin du travail au service de santé interentreprises du département de l’Ain, a été condamnée en première instance par la chambre disciplinaire du conseil régional de l’ordre des médecins. Elisabeth Delpuech s’est pourvue en appel.

  • Dominique Huez , médecin du travail sur le site de la centrale nucléaire de Chinon (Indre-et-Loire) a été convoqué le 7 mai au siège du Conseil de l’ordre à Tours, devant la commission de conciliation du conseil de l’Ordre des médecins, dans le cadre d’une plainte « mettant en cause les pratiques professionnelles du docteur Huez dans le domaine de la clinique médicale du travail » , ont répondu Sylvie Topaloff et Jean-Paul Teissonnière, avocats de Dominique Huez. Ceux-ci ajoutent : « L’organisation d’une tentative de conciliation en présence de l’employeur ou du patient du docteur Huez constitue donc une injonction d’avoir à s’expliquer sur les pratiques professionnelles d’un médecin du travail en présence de l’employeur de son patient, alors que les règles d’ exercice de la médecine du travail imposent une indépendance totale à l’égard de l’employeur » .

  • Bernadette Berneron , médecin du Centre de consultations de pathologies professionnelles à l’hôpital Bretonneau de Tours, a été convoquée devant la commission de conciliation du Conseil de l’ordre des médecins le 14 mai, à la suite d’une plainte déposée par EDF. L’entreprise estime litigieux un courrier de Bernadette Berneron utilisé dans le cadre d’une procédure prud’homale, qui constate un lien entre le travail d’une salariée et son état de santé.

    Les trois médecins spécialistes de la santé au travail font l’objet de poursuites disciplinaires. La pétition d’alerte demande leur abandon.

Santé
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