Le paradis fiscal peut attendre

Le dernier conseil européen n’a pas avancé sur le terrain de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales.

Thierry Brun  • 30 mai 2013 abonné·es

La lutte contre les différentes formes de fraude fiscale n’a pas franchi de cap lors du sommet européen des chefs d’État et de gouvernement, qui s’est tenu à Bruxelles les 22 et 23 mai. Pourtant, les affaires se multiplient en Europe : HSBC, UBS, Cahuzac, Guéant, Apple… L’industrie de la fraude fiscale se révèle florissante. Ces nombreux cas et les révélations de l’OffshoreLeaks sur les paradis fiscaux avaient incité le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, à chambouler l’ordre du jour du sommet, le but étant notamment de présenter un front européen uni lors du G8 début juin.

« Nous avons à cœur de lutter contre toutes les sources de l’évasion, notamment les paradis fiscaux », a lancé François Hollande à son arrivée à Bruxelles, ajoutant : « Plutôt que d’augmenter les taxes, les taux, les impôts, les prélèvements, mieux vaut aller chercher la matière imposable là où elle se cache aujourd’hui. » Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a pour sa part exhorté les États de l’Union européenne (UE) à généraliser l’échange de données bancaires à toutes les formes de revenus, rappelant que 1 000 milliards d’euros de recettes fiscales sont perdues chaque année, en raison de l’évasion et de la fraude fiscales. De son côté, le Parlement européen a voté un rapport le 21 mai proposant « des mesures concrètes en vue d’interdire les paradis fiscaux et de contraindre les entreprises transnationales à payer leur juste part en taxes sur les énormes bénéfices qu’elles génèrent », a souligné la Confédération européenne des syndicats (CES). Les députés européens invitent les États membres à réduire « de moitié au moins le manque à gagner fiscal d’ici à 2020 » et réclament une adoption rapide par le Conseil de la directive révisée sur la fiscalité des revenus de l’épargne, qui prévoit l’échange automatique d’informations au sein de l’UE et donc une levée partielle du secret bancaire. Ils demandent aussi l’adoption d’un projet de directive, daté de 2011, concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés.

Le sommet s’est pourtant achevé par un fiasco. En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, la chancelière allemande Angela Merkel a indiqué que « les mesures pour mettre fin à l’optimisation fiscale des multinationales n’étaient pas à l’agenda du jour ». Et, faute d’unanimité, les dirigeants européens n’ont pas adopté de mesures concrètes concernant la directive sur la fiscalité de l’épargne. Le sommet a renvoyé à la fin de l’année un éventuel accord sur ce sujet sensible. Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, a indiqué qu’il n’était « pas possible » d’aller plus loin que les ministres des Finances des Vingt-Sept lors de leur dernière réunion, le 14 mai. Ceux-ci ont décidé de confier un mandat à la Commission européenne pour renégocier des accords fiscaux avec cinq pays : la Suisse, l’Andorre, Monaco, Saint-Marin et le Liechtenstein. Il restera à convaincre le Luxembourg et l’Autriche, qui bloquent depuis 2008 l’adoption de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Il y a « un consensus sur la révision de la directive épargne » et le « Conseil appelle à son adoption avant la fin de l’année », promet Herman Van Rompuy. Cette « avancée » semble cependant très limitée face à l’ampleur de la fraude.

Économie
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