Obsolescence programmée : le coup de la panne, ça suffit !

Les associations de défense des consommateurs sont déçues par les propositions de Benoît Hamon pour lutter contre l’obsolescence programmée. La question suscite un vif débat.

Patrick Piro  • 16 mai 2013 abonné·es

Benoît Hamon allait-il se montrer audacieux dans la lutte contre l’obsolescence programmée ? Les associations écologistes attendaient le ministre de la Consommation au tournant lors de la présentation de son projet de loi sur le renforcement des droits des consommateurs, le 2 mai dernier. Elles ont été déçues. Benoît Hamon se contente d’exiger des industriels qu’ils fassent connaître l’existence de pièces détachées pour les appareils mis sur le marché, et qu’ils les tiennent à disposition, sans préjuger de la longévité de leurs produits. « Des mesurettes », déplorent les Amis de la Terre.

L’obsolescence programmée : une pratique industrielle consistant à provoquer de manière délibérée une réduction de la durée de vie d’un appareil afin d’en accélérer le taux de remplacement (voir ci-contre). Il ne s’agit pas d’une nouvelle facette de la théorie du complot, reconnaît explicitement le ministre. De fait, bien peu contestent le phénomène, en dehors du milieu industriel : il a largement été mis en évidence, et depuis le début des années 1900 [^2]. De nombreux exemples montrent que des modèles économiques sont bâtis sur divers stratagèmes, dont tout consommateur a été un jour victime : des organes névralgiques qui fatiguent peu après la fin de la garantie légale (deux ans), des appareils dont la conception interdit toute réparation, des pièces de rechange introuvables, des interventions hors de prix et même des puces électroniques programmées pour bloquer un appareil après un certain nombre d’heures de fonctionnement.

Quelques jours auparavant, le ministre avait été invité à débattre au Sénat autour de trois propositions avancées par le sénateur EELV Jean-Vincent Placé, qui entendait opportunément faire monter la pression. « Les sénateurs de tout bord, y compris à l’UMP, les ont accueillies très positivement », se félicite-t-il. La première demande : définir un délit d’obsolescence programmée qui permettrait d’engager des poursuites en justice. C’est un point délicat : l’intentionnalité est difficile à prouver. Un fabricant tentera de justifier l’utilisation de pièces de moindre qualité par la volonté de proposer des produits à bas prix. Quoi qu’il en soit, Benoît Hamon écarte cette idée, considérant « qu’il existe déjà dans la loi de quoi contrer l’obsolescence programmée ». S’agit-il de son projet de créer des « actions de groupe » en justice ? « Mais le ministre ne va pas au bout de la logique ! », rétorque Jean-Vincent Placé, critiquant les limites de ces actions collectives : elles ne concerneraient que les atteintes au droit de la consommation (et pas les chapitres de la santé, de l’environnement, etc.), et devraient être portées par des associations dûment agréées.

Deuxième demande du sénateur : l’extension progressive de la durée légale de conformité (garantie) de deux à cinq ans. Le ministre s’est montré très « réservé », car une telle disposition « renchérirait les prix de 20 %, ce qui serait malvenu en ces temps de crise ». « Certes, la moyenne européenne est de deux ans. Pourtant, la Finlande va jusqu’à trois ans, et le Royaume-Uni jusqu’à six ans ! Ce n’est donc pas une utopie », avance Jean-Vincent Placé, qui conteste l’estimation du surcoût livrée par le ministre et rappelle que François Hollande avait adhéré à l’idée d’une extension jusqu’à dix ans de la garantie, à l’occasion d’une réponse écrite faite à une association lors de sa campagne électorale. « Et comme la plupart des produits manufacturés sont fabriqués à l’étranger, les industriels nationaux ne seraient pas spécialement pénalisés. »

À part les consommateurs, les autres grands perdants de la garantie réduite sont les fabricants qui, en France ou en Europe, produisent souvent des équipements de qualité, relève la fédération France Nature Environnement. « Pourquoi un consommateur paierait-il un produit plus cher s’il n’est pas assuré qu’il va véritablement durer dix ans et que, en cas de panne, la pièce détachée sera accessible à un prix raisonnable, qu’un réparateur saura la changer ? Sans garantie sur la durabilité des produits, c’est la course au moins-disant social et environnemental. » Actuellement, les extensions de garantie sont facturées entre 10 et 15 % du prix des produits !

Troisième proposition de Jean-Vincent Placé : obliger les industriels à mettre des pièces détachées à disposition pendant au moins dix ans, « de manière à alimenter une économie de la réparation, non délocalisable ». C’est la seule qui trouve un certain accord avec la position du ministre, « dont les réponses ne sont manifestement pas à la hauteur de l’enjeu », regrette Jean-Vincent Placé. Il prévoit de revenir à la charge en déposant une proposition de loi en bonne et due forme à l’automne.

[^2]: À lire : Bon pour la casse, les déraisons de l’obsolescence programmée , Serge Latouche, éd. Les liens qui libèrent, 100 p., 10 euros.

Écologie
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