Sahara occidental : Les États-Unis reculent face au Maroc

La mission de paix des Nations unies n’obtient pas de compétences sur la surveillance des droits de l’homme.

Patrick Piro  • 2 mai 2013 abonné·es
Sahara occidental : Les États-Unis reculent face au Maroc
© À lire : l’analyse (en français) du journaliste espagnol Ignacio Cembrero. blogs.elpais.com/orilla-su. Voir aussi les analyses et reportages de Patrick Piro sur Politis.fr. Voir aussi les analyses et reportages de Patrick Piro sur Politis.fr

Hassanna Abba, militant sahraoui pour le respect des droits humains au Sahara occidental, rencontré fin mars lors du Forum social mondial de Tunis, montre des cicatrices sur son corps. Elles proviennent d’une séance de tabassage et de torture entre les mains de policiers en civil, affirme-t-il. « Ils ont tenté de graver au couteau un drapeau marocain sur mon torse », raconte l’étudiant. Les faits se sont déroulés lorsqu’il a été brièvement kidnappé, en 2010, à proximité d’Al-Ayoun, capitale de l’ancienne colonie espagnole sur laquelle Rabat proclame depuis près de quarante ans une souveraineté qui n’a été reconnue par aucun pays. Hassanna Abba venait de rentrer d’un voyage à Washington. Invité par le Department of State (DoS, ministère des affaires étrangères), il y avait rencontré Christopher Ross, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Sahara occidental.

L’ambassade états-unienne au Maroc s’est alors émue. « Mais Rabat a démenti toute implication », rapporte Hassanna Abba. Il affirme cependant avoir été arrêté plus de dix fois en raison de ses activités militantes. Ce genre d’exactions, recensées dans les rapports annuels du DoS par le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture ainsi que de grandes ONG, a contribué à la motivation inattendue des États-Unis. Ils présentaient une initiative visant à élargir à la surveillance des droits de l’homme les prérogatives de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). Le Conseil de sécurité votait la semaine dernière la reconduction annuelle de cette force de 230 militaires, cantonnée depuis sa création en 1991 au contrôle du cessez-le-feu entre Marocains et indépendantistes sahraouis du Front Polisario. Mais Washington a finalement reculé devant la réaction virulente de la diplomatie marocaine, qui peut notamment compter sur la bienveillance traditionnelle de la France, favorable au plan d’autonomie poussé par Rabat depuis 2007, en lieu et place du référendum d’autodétermination souhaité par les indépendantistes. Cependant, il s’agit d’une victoire en trompe-l’œil pour le Maroc. L’inclusion d’un volet « droits humains » dans le mandat de la Minurso est évoquée depuis des années, et l’initiative états-unienne montre que le débat est monté d’un cran. Rendez-vous au vote 2014 du Conseil de sécurité, dit le Front Polisario, qui souligne avoir accepté de son côté que la Minurso puisse contrôler les droits de l’homme dans les camps de réfugiés sahraouis, comme à Tindouf dans le sud-ouest algérien.

Après vingt-deux ans de quasi-stagnation, le dossier entre peut-être dans une phase de résolution plus active. La montée du terrorisme dans la région saharienne, dont l’importance géopolitique s’est accrue, en est une explication. D’un côté, les puissances occidentales ménagent avec constance le Maroc, dont la fiabilité politique est vantée comme une vertu cardinale face à l’islamisme extrémiste. De l’autre, la permanence de l’abcès sahraoui favorise une instabilité régionale qui préoccupe de plus en plus ces puissances, la France au premier chef. Or, la susceptibilité marocaine envers l’immixtion de la Minurso dans le dossier des droits de l’homme, alors que personne n’est dupe de la réalité des violations, joue en faveur d’un regain de crispation qui ne fait l’affaire d’aucun des protagonistes.

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